vendredi 30 octobre 2009

Les Korrigans parlent aux Bretons

Et on dit que les Bretons sont taciturnes... Le Telegramme publie dans un numéro spécial une semaine de discussions avec les soldats de la TF Korrigan, qui opère en Kapisa. Le résultat n'est pas piqué des vers, aussi bien sur l'ennemi que sur le matériel : de quoi ravir le CEMAT (qui débuta sa carrière en 1973 au... 3e RIMa), qui n'est jamais très tendre avec ses "pipelettes". Celles-là sont sans pitié pour le parti, en évoquant les... achats personnels effectués avant le départ, sujet qui met imparablement en rogne le CEMAT, qui, major-général, avait fait décoller les dépenses de petit équipement.
Je recommande bien sûr la lecture de ce supplément, et particulièrement, ce micro-trotroir (1).
Caractéristique, les militaires sont toujours nombreux à demander ce qu'on pense de leur travail, "à la maison". Pas seulement la peur d'être mal compris dans leurs actions, mais seulement de savoir si cela intéresse la population. Et surtout de savoir si les "journalistes racontent la vérité". La même que l'épouse, les enfants, ou la petite amie cherchera, le soir, à verifier, sur MSN, ou dans les mails...
Par delà certaines répliques cultissimes que je vous laisse trouver tous seuls, voici pour moi deux déclarations emblématiques, que je vous livre, sans plus de commmentaires, si ce n'est que les fossés ne sont pas forcément ceux que l'on croit :
«Les mecs en ont plein le cul. Vous avez vu la pression? On a perdu sept gars ici. Et le commandement dit que l'on n'est pas en guerre! Ça énerve tout le monde (...) Moi, je gagne dans les 3.000euros. Je me fais tirer dessus presque tous les jours. Un colonel gagne 7.000 ou 8.000euros. Il se fait tirer dessus combien de fois en six mois? (...) On sert de cible avant de pouvoir tirer. Tant que l'on n'aura pas le droit de taper les insurgés de loin quand on veut, on n'avancera pas. Il faut que l'on puisse instaurer un climat d'insécurité chez eux. On en a les moyens, l'envie et les compétences. Mais les gradés, ils ne veulent pas. Ils sont focalisés sur ce que pense l'opinion publique. Si on tire sur une voiture avec six gars dedans, dont cinq armés, l'opinion va retenir qu'on a buté un gars qui n'était pas armé. Moi, je dis que ça fait cinq talebs en moins qui ne nous tireront plus dessus...»
Un sous-officier anonyme (dans lequel se retrouveront sans peine la plupart des soldats), et comme le raconte le confrère du Teleg, en l'absence "exceptionnelle" de l'officier communication.

«Au départ, les gars étaient à bloc. Ils étaient de la mission dans laquelle il fallait être. LA mission qui rend fier. Au premier mort, le côté mytho est retombé (...) Très souvent, ils ne voient pas ceux qu'ils tuent. Mais je n'ai pas l'impression que cela les trouble plus que ça. Ils ne semblent pas appréhender non plus leur propre mort. Il y a une certaine fatalité (...) Moi, je démine la haine de l'insurgé quand, chez nous, il y a un mort ou un blessé. Les gars me le disent quand ça arrive. C'est un poison. La haine ne fait pas de bons combattants (...) Ils me parlent de leurs "TIC" (Troops in contact; les accrochages, Ndlr), de leur fatigue. Ils me disent aussi volontiers ? On a eu de la chance cette fois-ci?.»
Dominique T.dit «le padre», aumônier.

(1) http://www.letelegramme.com/ig/dossiers/reportage_afghanistan/afghanistan-qu-est-ce-qu-ils-disent-sur-nous-au-pays-29-10-2009-630397.php

Notre photo : une ANF1 en batterie, lors de l'opération Stairway, en vallée d'Afghanya, les 25 et 26 octobre (crédit : EMA)