mardi 19 octobre 2010

Faire face en faisant l'impasse

Un Lynx au-dessus du Jean de Vienne, en 2004. (crédit : MN). Aujourd'hui, ces appareils sont d'abord orientés vers la lutte contre les narcos et les pirates, a expliqué le CEMM aux députés.

Jusqu'à une époque récente, il était de bon ton de stigmatiser les journalistes qui pointaient du doigt les dysfonctionnements de la défense, ou qui avaient le malheur d'être sceptiques. Seulement, les conséquences des lacunes d'hier sont là, désormais. Les chefs d'état major de la marine et de l'armée de l'air n'ont d'ailleurs pas hésité à en citer quelques unes aux députés de la commission de défense.
Par exemple, la crise budgétaire, qui devait pourtant épargner les opérations, coûtera en 2011 10% de disponibilité opérationnelle des bateaux à la mer. La marine ne sortira, donc, en moyenne, que 90 jours, au lieu de 100, a expliqué le CEMM aux députés de la commission de défense. Autre exemple : le savoir-faire dans la lutte anti-sous-marine est fragilisé. Les frégates spécialisées dans ce domaine n'embarquent plus d'hélicoptères Lynx. Ces derniers sont peu disponibles, du fait de leur âge, et les rares en état de voler sont missionnés prioritairement dans la lutte contre la piraterie et contre le narcotrafic.
Dans l'armée de l'air, les réductions s'incarnent autrement, et pour d'autres raisons, a priori conjoncturelles : les pilotes de transport, traditionnellement ceux qui volent le plus, ont vu leur niveau annuel chuter de 400 à 270 heures. Faute d'avions... A ce sujet, le CEMAA a d'ailleurs constaté, une fois de plus, "l'extrême fragilité" de la flotte tactique. Il y a encore quelques mois, il était possible de trouver 10 ATA (avions de transport d'assaut) au claquement de doigt pour aller chercher des milliers de ressortissants en Afrique : mi-septembre, cela aura été beaucoup plus difficile. Dans un crise impliquant pourtant nettement moins de monde. Quelle assurance-vie -la compagnie s'appelle... ATA- offrira-t-on demain à nos ressortissants en Afrique, dans des pays dans lesquels, de surcroît, on n'aura plus de base permanente pour les stocker, le temps que la cavalerie arrive (1) ?
Autre exemple, pourtant à une des priorités affirmées du livre blanc ("connaissance et anticipation") : le retrait planifié des derniers Mirage F1CR se traduira par une perte de compétence dans le renseignement électromagnétique. Pour y pallier, le député Jean-Claude Viollet propose un retrofit a minima du Mirage 2000D, intégrant le pod Astac, issu du Mirage F1CR. Sinon, dans ce domaine critique, et pour cinq ans au moins, il faudra, comme dans les autres, faire l'impasse.

(1) un exemple non limitatif d'une aéromobilité dotée en moyens... La mise en place d'un centre européen du transport ne changeant, sur ce point, rien : un C160 allemand n'ira jamais chercher des Français en Côte d'Ivoire...