vendredi 28 mai 2021

"Les Estoniens ont grandi avec la menace russe, c'est dans leur ADN"

Kersti Kaljulaid, la présidente estonienne a reçu ce matin les média français qui couvrent l’exercice Springstorm. Sans vraie surprise, elle a nommé l’ennemi, la Russie, là où en Europe occidentale (et même régulièrement en France), la pudeur est souvent de rigueur, dans la bouche des exécutifs occidentaux. « Je n’en vois pas d’autres, a-t-elle expliqué lors d’un échange d’une demi-heure dans un français impeccable, lors duquel elle a aussi pourfendu le président biélorusse, qui en a pris pour son grade. « Il a perdu toute légitimité », a-t-elle lancé, en rappelant aussi que plusieurs dizaines de journalistes ont perdu leur liberté sous Alexandre Loukachenko. Elle "n'imagine pas" non plus que les "services russes n'aient pas pu être au courant du récent détournement d'avion du fait de leur proximité avec leurs homologues biélorusses". 
Elle appelle d’ailleurs l’union européenne à en faire plus pour saper les réseaux de l’illégitime, avec un nouveau train de sanctions. Taper le leader biélorusse et ses réseaux personnels au portefeuille, manifestement un des sujets probables du prochain sommet européen le 14 juin. Mme Kaljulaid estime aussi que la dissuasion offerte par l’OTAN via Enhanced Forward Presence (EFP) a fait de gros progrès ces derniers mois grâce à une meilleure interopérabilité et une meilleure connaissance du terrain par les occidentaux. 
L’Estonie accueille un bataillon anglo-franco-danois en permanence, ainsi qu’à Amari, un plot de police du ciel de l’OTAN (armé tous les deux ans par la France). D’autres capacités plus discrètes et plus spécialisées sont aussi dans la république la plus au nord sur la Baltique : des forces spéciales américaines et très vraisemblablement, des moyens de renseignement. Les Américains ont investi 217 millions de dollars en quatre ans ici : soit un tiers du budget annuel de la défense estonien. Cela peut sembler peu, mais c’est déjà 2 %, et c’est déjà le cas depuis 2005. 
Dans ce domaine, les Estoniens sont donc plutôt de bons élèves. Ils sont aussi engagés dans des opérations internationales sur pas moins de huit théâtres différents, bientôt sept après le retrait d’Afghanistan, prévu fin juin. Leur plus long déploiement, depuis 2001, et où ils ont perdu 9 des leurs, et 20 y ont été blessés. Rapporté à la taille de l’Estonie (1,3 million d’habitants), un engagement à bien mesurer. Surtout avec un voisin aussi turbulent à sa frontière est : les priorités auraient pu aller ailleurs. Ce qui n'empêche pas non plus le pays d'avoir 75 soldats, dont une minorité de forces spéciales, déployés avec Barkhane. Une bonne zone pour l'aguerrissement, a constaté la présidente, mais aussi pour affirmer la solidarité avec les Français présents en Estonie pour protéger les estoniens. 
L’Estonie tient manifestement à rester comme le bon élève des 2 %, des engagements opex, mais sans conteste, c’est bien la Russie qui reste, plus que jamais, comme l’incarnation de la menace n°1. Les Estoniens ont grandi avec la menace russe, c'est dans leur ADN » comme l’a rappelé une haute fonctionnaire estonienne du ministère des armées, également croisée ce matin par les media français. La perspective des manœuvres russes de septembre, avec un probable préchauffage dès juillet, donnera la température de relations toujours difficiles. Avec un risque, que les Russes profitent de ce bref moment de supériorité de forces pour traverser des frontières. 
Aucune hypothèse n'étant manifestement exclue.

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