lundi 18 février 2019

Pouquoi l'article du colonel Legrier agace

C'est un article qu'il faut prendre la peine de lire avant de lancer boulets rouges ici ou là par goût
unique de la polémique, ou de prendre parti (je ne fais ni l'un ni l'autre ici). L'article du colonel Legrier, patron du 68e RAA et de la TF Wagram n'est pas un total brûlot, ni un texte de thuriféraire, mais un texte sur des opérations en cours, qui n'a pas subi le processus normal de validations. Facteur aggravant, il a été publié dans la revue défense nationale, une association loi 1901, mais avec une proximité non dissimulée avec l'institution. Même si cette dernière sait garder une distance : dans les mois à venir, elle veut par exemple mieux jouer un rôle d'agitatrice d'idées, provoquer des "réflexions en anticipation", plus stratégiques, sur des choix très futurs qui ne sont pas encore tranchés par les armées.
Le patron de la TF Wagram a choisi un sujet de plus court terme, et de niveau opératif (donc pas de son niveau, qui est, lui, tactique). Il a commandé la TF Wagram, a opéré en Irak (ce qui n'est pas mon cas) mais sa hiérarchie lui reproche d'avoir pensé trop tôt, sans validation, sur une opération en cours. Le général Serge Cholley, un aviateur qui a commandé la composante française d'OIR, a lui aussi écrit sur Chammal, mais a pris la précaution de faire valider son texte.
Rien n'empêche un militaire d'écrire -l'intéressé a d'ailleurs commis un livre sans difficulté- mais il faut assez mal connaître l'institution militaire pour penser qu'il est possible d'y écrire sans un minimum de limites gauche et droite -apprise dès la scolarité, pour les officiers directs-. L'un des objectifs, dans ce cas précis, étant de ne pas mettre le commandement en porte-à faux avec sa ministre, et la ministre, avec ses homologues de la coalition. Pas besoin d'avoir fait de grandes écoles pour le comprendre.
En outre, même si l'article est rangé au chapitre des opinions et de la contribution au débat, des plus expérimentés et aussi sans doute plus informés que lui s'interrogent aussi sur le fond de son article, qui présente plusieurs points de critique. Sans compter qu'il ouvre aussi le questionnement sur les frappes aériennes sans le faire pour l'artillerie elle-même -ni l'une ni l'autre n'ont démérité, mais l'une et l'autre ont leurs limites-. Peut-être beaucoup trop d'audace pour un seul texte.
Après une mobilisation en faveur de l'artilleur sur quelques réseaux sociaux, la RDN a reconnu ce week-end avoir retiré le texte de l'officier du site internet de la revue, sans pour autant évoquer de manque de discernement d'avoir publié l'article, que la hiérarchie constate, de son côté.
La revue dispose pourtant d'un comité de lecture et d'un rédacteur en chef qui n'ont pas joué leur rôle de prévenir l'auteur des risques contenus dans son article, et de temporiser sa parution, vu qu'il ne répondait pas à quelques canons du genre autorisé dans les armées.
Ces précautions systémiques n'auront pas suffi, manifestement. D'autant plus que la "déontologie", brièvement évoquée dans un communiqué ce weekend, revient précisément à refuser des textes qui n'ont pas été préalablement validés par l'EMA, voire le cabinet de la ministre dès qu'il s'agit d'opérations en cours.


Mes infos pet photos sur le twitter @defense137.