lundi 14 décembre 2009

Juste des justes

54 noms, bientôt peut-être 55. Ceux de policiers (1) et gendarmes qui ont préféré l'honneur à l'indifférence, à l'inaction ou la complicité, pendant l'occupation, entre 1940 et 1944. Hubert Falco, SEDAC a pu les découvrir ce soir, ces noms, couchés sur les panneaux d'une exposition qui sera visible, dès le mois de janvier, dans les services départementaux de l'office national des anciens combattants (ONAC), ainsi que dans les écoles de police et de gendarmerie. Plusieurs responsables, le général Roland Gilles (DGGN), Frédéric Péchenard (DGPN) et Bernard Squarcini (DCRI), ainsi que plusieurs policiers et gendarmes anonymes sont venus eux aussi, aux Invalides, ce soir, faire ce travail de mémoire, avec des enfants de déportés, et les représentants du comité français pour Yad Vashem.
Dans la plaquette qui accompagne les panneaux, on trouve le témoignage de Boris Cyrulnik, le neuro-psychiâtre à qui l'on doit le théorie de la résilience (2). Mais qui fut lui-même traqué, pendant la guerre, à l'âge de six ans et demi, après la disparition de ses propres parents. Et qui fut protégé par un policier : "toute une chaîne m'a protégé jusqu'à la Libération (....) Récemment, j'ai découvert qu'une des premières personnes à participer à cette chaîne était un gardien de la paix (...) Il a gardé chez lui, un enfant qu'il ne connaissait pas et dont la simple présence compromettait sa carrière, et peut-être même, sa vie. (...) D'autres policiers ont sauté sur leur vélo ou couru pour prévenir de l'heure de la rafle. Puis ils rentraient mettre leur uniforme et obéir. "Ca alors, l'appartement était vide" (...) Par bonheur, il y aura toujours des Justes pour prouver la banalité du bien".
L'un de ceux-là était l'officier de police Abel Enjalbert. Un à un, il avertit 150 juifs menacés par une rafle, en 1944, à... Aurillac. Le filet de la milice se refermera sur le vide. Abel Enjalbert passera tardivement à la postérité, dans la police : son nom sera le nom de baptême de la 13e promotion des officiers de police de Cannes-Ecluse, le 26 juin 2009, 65 ans après... Afin de permettre des demandes d'indemnisations ultérieures, le policier Yves Durandy mettait un point d'honneur, entre autres, à établir des procès-verbaux de violation de domiciles, à l'encontre de la police allemande.
Le flic retraité Luc Rudolph mène sa dernière enquête, en se plongeant dans les archives de la sûreté nationale, de la préfecture de police, pour remonter la trace des héros anonymes de la police de l'époque, près de 3.000 cas déjà recensés, en un an de travail. Il faut tout vérifier, à partir de témoignages parfois très fragmentaires. Un premier fascicule a déjà été écrit sur les "protorésistants" de la police, à Paris ; deux autres doivent suivre. Sans nier l'existence des authentiques crapules, ne pas oublier, non plus les policiers, qui, "très tôt", s'engagèrent dans la résistance. Avec un rappel : 167 policiers figurèrent parmi les 1.600 tués de la Libération de Paris.

(1) 38 policiers, dont 7 appartenaient à la préfecture de police.
(2) revisitée par le Livre Blanc, mais aussi certains cercles de l'armée de Terre.

Pour aller plus loin :
http://lemamouth.blogspot.com/2009/07/juste-pour-memoire.html