Il suffit de se pencher sur le bilan opérationnel pour comprendre que cet avion était bien né. Son
concept de poylvalence poussé à l'extrême, mais aussi de maintenance n'a pas d'équivalent. Mais cela n'avait pas suffi à l'exporter.
Car les armes sont avant tout un commerce entre états. La France n'avait pas toujours trouvé la bonne clé pour faire avancer la vente de cet avion. La capacité de lobbying s'était avérée bien plus puissante, et côté français, on n'avait pas retroussé les manches.
Il fallait aussi trouver des clients qui désirent cet avion. Les priorités des Brésiliens, on le sait maintenant, étaient surtout sur des transferts de technologies dans le domaine de la sous-marinade. Encore plus que dans l'aérien. Quelques maladresses ont suffi ensuite, de part et d'autre, pour faire capoter ce dossier prometteur dont finalement les Brésiliens ont jugé n'avoir plus besoin.
En Inde, le Rafale est le choix des autorités locales. Mais Dassault Aviatoon ne vend plus un avion, mais la capacité à l'assembler sur place, et même, à produire localement une bonne partie des composants. Il faut tout garantir, avant même que cette production locale ait commencé : de telles négociations, de telles garanties techniques prennent du temps.
L'Egypte sera donc le premier client export du Rafale. L'armée de l'air française, qui avec la marine a enregistré les premiers bilans opérationnels, sera en première ligne pour former les pilotes égyptiens, et peut-etre aussi, pour fournir des avions, afin que l'Egypte puisse être plus vite opérationelle.
Comme c'est le cas dans les contrats actuels, c'est donc un vrai partenariat qui est offert aux Egyptiens : pas d'assemblage local, pour permettre d'aller vite, mais une association à la maintenance, car l'Egypte dispose de capacités locales réelles.
Pour Le Drian, qui a cru à ce dossier peut-être avant bien d'autres (1), c'est donc une victoire personnelle pour lui.
Le 16 septembre dernier, le mindef s'arrête au Caire et croit dès le départ au doublé Rafale / FREMM qu'il présente au président Al Sissi, dans le cadre d'un partenariat global. Il en revient avec une conviction que l'affaire peut être faite. Le général Al Assar, proche d'Al Sissi, sera le négociateur égyptien tandis qu'en France, Dassault Aviation, MBDA (pour les armements) et DCNS rameutent la crème de leur négociateur, avec une poignée de collaborateurs du cabinet Le Drian.
Le 26 novembre, c'est Al Sissi qui relâche à Paris et dîne en tête à tête avec son visiteur de septembre. Les chiffres sont mis : 24 Rafale et une FREMM, même si d'autres versions évoquent un deuxième navire. Le 12 décembre, l'équipe Al Assar est à Paris et négocie autour d'un premier projet de contrat.
Le 11 janvier, à peine sortis de l'A330 présidentiel, François Hollande et JYLD croisent à nouveau Al Sissi, cette fois à Ryad, pour les obsèques du roi, et l'intronisation de son successeur. La nouvelle est rendue publique le jour même, ce qui atteste du niveau de confiance entre ces hommes.
Le challenge est posé : la frégate doit être livrée le 2 août 2015, pour la célébration du canal de Suez.
L'ultime pierre de la négociation est posée vendredi 6 février : Al Assar conclut avec JYLD.
Les deux mêmes s'appellent ce soir, à 18h45. A 20h16, l'Elysée sort son communiqué de presse. Et se ravise, avant d'en sortir un deuxième, neuf minutes plus tard.
Lundi, Le Drian sera au Caire pour signer un contrat à 5,2 MdEUR. Pour l'emmener sur place, un Falcon de l'ETEC, une autre création de Dassault Aviation...
(1) il faut sans doute s'atendre, dans les jours qui viennent, à une pluie de revendications de victoires de personnages, plus ou moins publics...