mardi 15 novembre 2016

Barkhane plus rationnel que Chammal ?

A l'heure où le focus politique n'est orienté que vers Chammal -un an après le Bataclan et les
promesses martiales de rétorsion émises à l'époque-, les indicateurs d'activité traduisent néanmoins des réalités parfois inattendues.
Le dernier compte rendu hebdomadaire explique ainsi que Chammal a réalisé 72 sorties de Rafale (Air et Marine) en une semaine, avec 36 chasseurs affectés (24 Marine, 12 Air), générant 20 frappes.
De son côté, avec des appareils nettement moins polyvalents (des Mirage 2000D et C), soit sept en tout, Barkhane a produit 27 sorties.
Ainsi, en moyenne brute, un chasseur de Chammal réalise deux sorties hebdomadaires, là où celui de Chammal a fait presque quatre.
Comment comprendre un tel décalage ?
D'abord rappeler quelques évidences. Un Rafale porte jusqu'à trois fois la charge de bombe d'un Mirage 2000D, ou deux fois sa charge de Scalp-EG. Ensuite, le coût à l'heure de vol -je me refuse à entrer dans les chiffres précis, il ne traduisent jamais la même réalité- est plus élevé pour le Rafale si l'on ne considère que ce seul indicateur horaire. On peut néanmoins constater que cette heure peut s'avérer plus rentable, du fait de la charge de bombes évoquée plus haut -possibilité de frappes multiples en un seul vol, et présence d'un canon, en plus-.
Ces Rafale sont présents du fait de leur polyvalence, mais aussi pour faire souffler les Mirage 2000D. Le potentiel de ces derniers a été consommé cinq fois plus vite depuis deux ans qu'ils opèrent à Chammal (1).
Ces préalables rappelés, il faut aussi se souvenir qu'au Sahel, la France est seule depuis trois ans. Aucun chasseur étranger n'a été proposé pour relever les Mirage et Rafale, malgré, pourtant, une très belle et quasi-unanimité de nos principaux alliés à affirmer vouloir nous aider (idem pour les hélicos, d'ailleurs...). Alors qu'à Chammal, une bonne partie du monde libre -et du pas libre aussi- est sur place. Y' a même parfois des bouchons dans le ciel. Et actuellement, les JTAR (demandes d'appui) seraient moindres actuellement.
Donc à quoi bon en envoyer trop ?
Enfin, et on l'a oublié, les messages politiques brouillent la réalité opérationnelle. Les Rafale des EAU sont présents au titre d'accords de défense, même si, AVEC l'accord de l'Etat-hôte, ils sont autorisés à réaliser des missions de guerre. Mais, à Al-Dhafra, ils sont beaucoup plus loin que les Rafale de H5, qui sont donc, eux, privilégiés. Ce ne sont pas réellement 12 Rafale Air qui sont déployés à Chammal, mais bien dans cette zone. En cas de surge, ils sont néanmoins tous mobilisables. Et un Rafale peut réaliser, à H5, deux sorties par jour.
En mer, la réalité est aussi plus complexe que celle affichée. Un porte-avions est une mécanique suisse fabriquée en France : il faut régulièrement régénérer (ce sont les no-fly days), et aussi ravitailler et reposer l'ensemble (les escales aux ports, déjà une de faite). En outre, les 24 Rafale Marine à bord ne sont pas tous disponibles instantanément, et tous ne sont pas mobilisés pour Chammal, là aussi. Pas de mission secrète à aller déterrer, mais seulement une réalité : avec un seul porte-avions, la marine s'en sert aussi comme outil de formation, même quand elle est en guerre.

(1) le manque de mémoire ambiant l'oublie souvent, mais les Mirage 2000D et leurs équipages ont été déployés en opérations depuis le Kosovo (1999) de façon quasi-continue (sauf en 2004). Peu de matériels militaires français peuvent en dire autant.

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