dimanche 6 mars 2011

Quels avions pour quelle ZEA ?

Une patrouille de Mirage 2000C, lors d'un transit vers Red Flag (archives Sirpa Air).
Avant même de se poser la question de savoir si l’ONU autorisera une zone d’exclusion aérienne (ZEA), penchons-nous quelques secondes sur les moyens que nous pourrions même y consacrer. Comme pour un bon potage, il faut de tout : des chasseurs, des citernes volantes (pour permettre une permanence) et des AWACS. Et, encore plus utile, des ROE claires, qui permettront, une fois les Su-24 et autres hélicoptères détectés, de les descendre sans discuter le bout de gras. Sans oublier, évidemment, des terrains pour déployer tout cela.
Déjà 25 chasseurs outremer
La France a déjà de forts engagements : 25 chasseurs sont mobilisés à l’étranger (6 en Afghanistan, 6 aux EAU, 10 à Djibouti, 3 au Tchad), tout comme deux C-135FR (un au Tchad, l’autre aux EAU). C’est donc, a priori, autant de moins qui sera mobilisé pour la ZEA.
Or, quand on connaît les taux de disponibilité des avions de chasse -il suffit de lire les rapports parlementaires-, que l’on sait qu’il ne reste plus que trois escadrons de défense aérienne en France (un à Orange, un à Cambrai et un à Dijon), plus un escadron polyvalent de Rafale (le deuxième est engagé dans la dissuasion), on comprend que la génération de forces risque de ne pas être simple.
Il faudra peut-être en parler avec les Britanniques, qui ont... les même soucis que nous en matière de chasseurs et de ravitailleurs.

Sigonella, N'Djamena, Malta...


Des pétafs s'affairent sur un Mirage 2000C/RDI du 1.12 Cambrésis : objectif, décoller en deux minutes (crédit : Jean-Marc Tanguy).

Par-delà les gesticulations et les anathèmes, il n’est pas sûr que la France puisse consacrer beaucoup plus qu’une dizaine d’appareils terrestres au sujet. Faudrait-il, de surcroît, pouvoir les disposer de bases terrestres, avec l’accord des autorités locales. Plusieurs solutions existent, en regardant une carte : Malte, membre de l’UE, la base OTAN de Sigonella en Sicile (1), l’Egypte. Ou le Tchad, où la France dispose d’une base permanente, dans un cadre bien précis, cependant, celui de l’opération Epervier.
La mise en œuvre du PACDG, hébergeant chasseurs et Hawkeye, simplifierait la donne, à tous points de vue : mais il faudrait augmenter singulièrement le nombre de Rafale, car les SEM n’ont pas de vocation de défense aérienne. Or, on le sait, la marine n’a pas assez de Rafale (2) en soute. Et de toute façon, même s’il le voulait, le PACDG ne pourrait quitter Toulon, où il vient de revenir, sans un préavis minimum. Il faudrait, de plus, requalifier les pilotes, qui n’ont pas apponté depuis cinq jours : c’est la règle.
Pour toutes ces raisons, le PACDG n’avait pas prévu de reprendre la mer avant le mois de… mai. Une ZEA, cela a l’air simple sur le papier, mais l’expérience démontre que pour générer des forces aussi diversifiées, et surtout, accorder les spécialistes du droit international, il faut parfois attendre encore que quelques civils trépassent.
Ces ZEA ne sont pas, de plus, totalement étanches, ou pas assez réactives.
Déjà des ZEA il y a 20 ans...
En 1991, en Irak (Southern Watch pour protéger les Chiites, Northern Watch pour protéger les kurdes), en 1992, en Bosnie (Deny Flight), l’Occident a mis en place des ZEA, notre armée de l’air y a même participé (3). Mais à chaque fois, les ROE étaient suffisamment contraignantes pour ne pas rendre le système efficace. Ou trop efficaces : un Blackhawk –avec notamment à bord un officier français- avait ainsi été tiré par deux F-15, au Kurdistan.
Quelques rappels histroiques, sans rapport direct avec ce qui précède. Le dernier avion appareil abattu par l'armée (de terre) française était précisément un appareil libyen, un Tu-22, tiré par un missile Hawk. Un des derniers appareils perdu par l'armée de l'air, en opérations, l'a été contre les forces libyennes, le 25 janvier 1984 : c'était le Jaguar du regretté CNE Michel Croci, du 4.11 Jura, qui a donné son nom à la base aérienne 106.
C'est enfin contre la Libye que l'armée de l'air avait mené un de ses raids les plus audacieux : c'était à Ouadi Doum, en 1987.

(1) Où relâchent parfois des drones Global Hawk.
(2) Notamment parce qu’elle en a perdu trois, et parce que les 10 premiers, des F1, n’ont toujours pas été rétrofités. Le chantier ne doit commencer que l’an prochain.
(3) La France s’est retirée de Southern Watch en 1998 suite à l’opération Desert Fox.