Clairement, Florence Parly -qui fait diffuser ce matin un bilan d'un an d'activité élaboré par son
cabinet- n'avait pas mesuré le volume de travail nécessaire pour remettre le minarm sur les rails. A son arrivée, en effet, elle découvre des militaires exténués par les opex et opint, et découragés par le manque de disponibilité, et des procédures de fonctionnement au quotidien trop rigides.
Plutôt que de faire un audit de l'état de l'existant, elle se projette sur l'étape d'après, la revue stratégique, un document de prospective confié à Arnaud Danjean.
Les deux exercices n'étaient pas incompatibles, mais le fait d'avoir délaissé le premier a fait, à mon humble avis, prendre du retard au chantier des réformes.
Un énorme chantier, à mener, que son cabinet va découvrir petit à petit. Une découverte qui va de pair avec un flingage discret mais réel de l'équipe qui a précédé.
De vrais résultats
Le premier est une loi de programmation militaire au niveau historique, même si les priorités peuvent se contester (chacun voit midi à sa porte) : l'armée de terre (donc l'industrie frnaçaise) y décroche sa modernisation (enfin), la marine, des bateaux neufs. L'armée de l'air, elle, reste un peu à l'écart des euros, mais décroche néannmoins des plus dans la LPM suivante (donc, potentiellement, des aéronefs de papier).
Fait mal souligné, y compris par elle-même, première mère de famille à la tête du ministère, sans mandat électif, Parly apporte une vraie disponibilité y compris les weekends, tout en laissant une belle somme de travail à son binôme, elle aussi une femme, Geneviève Darrieussecq. Pilotée par un cabinet militaire rompu à l'exercice, la minarm a donc réalisé une plongée profonde dans... les grands dossiers de réforme structurelle à mener.
En quelques mois, elle a développé des thématiques déjà balayées pour certaines par ses prédécesseurs, mais en y apportant sa touche : PME, innovation, plusieurs étendards sont ainsi ressortis. A mon sens, encore beaucoup d'affichage, beaucoup de doutes de la part des personnels et PME/ETI concernées, mais laissons le temps au temps avant de juger.
De nouveaux étendards sortent aussi, comme l'espace, domaine pour lequel Florence Parly a une curiosité évidente, et un niveau de connaissance bien au-delà de la moyenne.
La ministre ne s'en cache pas, ses moments les plus difficiles ont été pour accompagner les militaires et les familles des morts au combat, des moments qu'elle mène seule (le président n'a assisté à aucune de ces cérémonies jusqu'à maintenant).
A une fragilité personnelle qu'elle ne cache pas non plus dans ces moments s'ajoute une détermination orale sur les sujets guerriers.
A plusieurs reprises et sans aucune forme de recherche du politiquement correct, elle dit tout le mal des adversaires du moment. " Les djihadistes n'ont jamais eu d'états d'ame, je ne vois pas pourquoi nous en aurions pour eux" lance-t-elle au tout-Paris de la Défense réuni pour les voeux, le 22 janvier 2018. Une déclaration qui faisait suite à une presque aussi guerrière au micro de France Inter, sur le sort des djihadistes du Levant.
La ministre a pu créer son propre style avec la troupe, un style fait de proximité qui comprend aussi de l'autodérision, n'hésitant pas à rigoler franchement de son manque de notoriété ou d'antériorité sur les sujets défense.
Peut mieux faire
Parly a clairement ouvert un débat sur le MCO, mais son volontarisme se jugera surtout par les résultats, car une partie des problèmes du MCO, ces dernières années, est aussi et surtout la résultante d'un manque d'autorité du... client sur ses fournisseurs. C'est donc un très bon test de la marge de manoeuvre que la ministre aura vis-à-vis de ses fournisseurs. Le président ayant été lui aussi ferme sur les prix -au propre comme au figuré-, on peut donc, a priori, s'attendre à une très grosse marge de manoeuvre.
De même, se disant proche des soldats -avec une LPM à hauteur d'homme-, elle n'a pas intégré très rapidement les procédures rapides d'achats promis déjà par son successeur (en mars... 2017), se faisant même doubler par la droite par un député LREM -Jean-Michel Jacques qui acceptera finalement de retirer son amendement-, puis par le Sénat -sur impulsion de Cédric Perrin, qui l'a injecté dans la LPM. Au final, la réforme des achats n'interviendra qu'à la rentrée.
La ministre pêche aussi sur un de ses sujets favoris : le plan familles a été financé en partie -comme ce blog l'avait révélé en janvier 2018- par des fonds issus du fonds de prévoyance, dont le but n'est clairement pas de financer des programmes sociaux. Le décalage d'au moins un an des augmentations de soldes promises sous Hollande reste aussi un net sujet de déception chez les militaires.
Enfin, le ministère est aujourd'hui pris entre deux extrêmes : renforcer le contrôle sur la communication -quitte à faire revenir les militaires aux années 80 dans leur mode d'expression- et ouvrir l'activité du ministère beaucoup plus à la presse. C'était la promesse de Florence Parly, lors de ses voeux à la presse, en janvier dernier. Et de l'avis de la presse quasi-unanime, cette promesse-là non plus n'a pas encore été vraiment tenue.
Avec le 5e Cuirs aux EAU. Photo Véronique B/Défense.