Certains y verront (déjà) un mauvais signe : les quelques dizaines de morts enregistrés hier rien qu'à Bangui,
et les premiers coups de feux mortels délivrés par des soldats français aujourd'hui ont vite fait changer l'orientation et la posture de l'opération Sangaris. Un signe comme un autre, on a fait donner la Chasse ce matin au-dessus de Bangui, les Rafale étant promus au rang d'arme psychologique (ils n'étaient évidemment pas envoyés pour bombarder).
La semaine dernière, à Paris, on voyait Sangaris comme une opération relativement simple à mener, comparée à Serval. Les évènements des dernières heures démontrent qu'il va néanmoins falloir revoir quelques points, au risque, sinon, de rencontrer de mauvaises surprises sur ce théâtre que les forces françaises ont parcouru en 1996, 2006, 2007, 2012, et donc, 2013. Sans que cela constitue à chaque fois une partie de plaisir.
Le format rappelé par Laurent Fabius hier -pas plus de 1200 militaires- est déjà nettement revu à la hausse : on parle même de mobiliser au total 1.800 militaires, car le travail de sécurisation risque de prendre bien plus de temps que prévu. La superficie de la Centrafrique est une fois et demi celle de la France.
Avec 1.200 militaires, dont seulement un peu plus de la moitié patrouillent réellement sur le terrain, pas de quoi sécuriser Bangui et l'axe ouest vers le Cameroun, essentiel pour l'aide humanitaire. Et comme les Européens ne se bousculent pas à Bangui, la France ne peut compter que sur propres forces (dont le matériel et le moral décline).
Pour renforcer son dispositif actuel de paras (8e RPIMa et 3e RPIMa), de forces spéciales (ils sont déjà tous là...), de chasseurs alpins et de marsouins (21e RIMa), l'EMA devrait puiser encore dans les soutes du Guépard, mais pas que. Sans surprise, la 11e BP peut compter sur des éléments du 1er RCP, et sans doute encore plus, du 2e REP.
Les légionnaires devaient la semaine prochaine effectuer un gros exercice régimentaire, en lien avec l'exercice de l'armée de l'air Serpentex : ils étaient donc totalement dispos. Comme en 1996 avec leur chef de corps (1), les légionnaires parachutistes devraient retrouver assez vite la Centrafrique.
Ce renforcement bien plus important que prévu va poser un problème logistique, car (comme pour Serval), il n'y aura pas assez de véhicules pour tout le monde : il faudra donc affrêter encore plus d'An-124, creusant encore les surcoûts opex. Car à ce stade, les deux A400M de l'armée de l'air n'ont pas été convoqués pour s'insérer dans le pont aérien entre la France et la RCA... Sans doute parce que les fonds alloués à leur activité de vol ont été limités à quelques dizaines d'heures par mois.
(1) Benoît Puga, l'actuel CEMP.