Le colloque organisé ce jour sur la dissuasion nucléaire à l'assemblée nationale n'a pas vraiment tenu ses
objectifs de faire évoluer la pensée sur le sujet, ni même d'ouvrir un débat de fond. Plusieurs grosses approximations démontrent combien cela fut une erreur de maintenir la dissuasion sous le boisseau pendant des années, alors que comme l'a rappelé un des présidents de séance, Philippe Wodka Gallien, dissuader c'est persuader, et pour cela, il faut montrer et communiquer (1). Une telle posture aurait sans doute permis, il y a quelques années, de former une culture générale sur la dissuasion, et éviter d'entendre les approximations du jour.
Par delà les anathèmes un peu faciles, on n'est, en fait, pas entré dans le sujet. Les mêmes qui veulent renforcer le conventionnel n'ont toujours pas compris les effets de ce qu'ils entendent supprimer. Qu'en supprimant la composante aérienne (7% du budget de la dissuasion), on n'a plus de tankers, et donc, plus d'aviation moderne : on revient au Mirage III de 1958. Plus de soutien aérien pour les troupes non plus. Pour les évacuations massives de blessés, réalisées par les mêmes tankers, on attendra, pas grave sans doute.
La dissuasion n'a jamais servi, et ne servira jamais, a-t-on aussi entendu. Mais c'est le propre des armes : on les a pour être en mesure de s'en servir, pas pour s'en servir à tout prix, sauf à être un état belliciste. Suivant cette loi de l'emploi du feu, faudrait-il alors, donc, se séparer des chars de bataille, au principe que le dernier obus tiré par un char de bataille en opération l'a été il y a si longtemps que personne ne s'en souvient. Et que le Leclerc n'en a pas tiré un seul ?... Pourquoi acheter du LRU, alors que pas une seule roquette de LRM a jamais été tirée. Etc, etc, etc. On n'a jamais, de même, tiré un Exocet contre un adversaire : il faut donc s'en séparer aussi ? Pareil pour les MICA du Rafale : il vaut mieux des lance-pierres sous les plumes ? Le dernier missile sol-air tiré -un Hawk de l'armée de terre- sur un avion l'a été en 1986 ? Une arme du passé donc ?
La tradition française de formation et de communication du coût des programmes d'armements étant ce qu'elle, il est possible de faire dire à peu près n'importe quoi aux chiffres, et les débats d'aujourd'hui sont restés, sur ce point, dans la moyenne.
Michel Rocard s'est lui étonné que le ministre de la défense, via l'EMA, ait demandé aux militaires de ne pas assister au colloque. En fait, j'en ai bien dénombré une dizaine, mais il est vrai qu'à part un ressortissant de l'armée de terre qui avait dû manquer la note de service, tous étaient en civil. Y compris deux ressortissants du cabinet militaire de Jean-Yves Le Drian, imprudemment annoncé, dans le programme comme personnalité devant conclure le colloque.
On peut le comprendre, et ses missi dominici l'ont sûrement rassuré, il avait autre chose de mieux à faire aujourd'hui, alors que 1600 de ses militaires entraient dans le vif du sujet, en Centrafrique.
(1) une des raisons qui expliquent pourquoi nos alliés, et parfois adversaires potentiels ont déjà vu la synthèse en temps réel d'exercice Poker des FAS.
(2) Dien Bien Phu ?