mercredi 22 janvier 2020

Y'a quoi dans les renforts de Barkhane ?

Ce matin, le CEMA a annoncé l'envoi prochain de renforts pour Barkhane, qui manque de moyens
(1). Mais il faudra bien, dans ce surge préalable à une réduction (de troupes, potentiellement, de têtes si les résultats ne viennent pas), bien faire la différence entre ce qui était prévu de longue date (et qui fera immanquablement partie du package présente comme nouveau) et ce qui est réellement nouveau.
Dans ce qui était prévu, le système Reaper (et non un drone Reaper...) soit trois engins de plus. En complément, des équipages pour prendre en compte cette ressource, mais le système de production d'équipages de drones semble avoir du mal à produire en volume, au regard des besoins.
Dommage, car le drone, c'est l'outil de la "permanentisation" demandée par le CEMA face à la presse ce matin. Il faut juste, pour cela, avoir suffisamment de drones, et d'équipages. Pour comprendre l'état de carences Français, remontez à l'incurie des années 2000, quand le drone était un vilain objet qui allait mettre les pilotes de chasse au chômage.
Dix, quinze ans plus tard on mesure les limites et les dégâts de cette vision simpliste. Alors que l'US Air Force forme plus de pilotes de drones que de F-16.
Il va de soi qu'avec les moyens présents à Niamey à l'arrivée des renforts, il n'y aura pas encore de quoi monter une constellation d'orbites permanentes. Une armée, une de surveillance, par exemple. Et les bons jours, évidemment. Et que la météo donne son accord.
Voilà pour le prévu.
Pour l'imprévu, les moyens venus de Côte d'Ivoire vont devenir, eux aussi, permanents. Tant qu'évidemment, la Côte d'Ivoire restera paisible. On l'a compris ce matin, dans l'argumentaire du CEMA, ce sont les fantassins-qui-sortent-des-FOB (tout les termes comptent, d'où les tirets) qui lui sont nécessaires.
Mais les cohortes en plus ne servent à rien, sans changement de méthode.
Que vaut une cohorte de 50 véhicules blindés, jalonnée en permanence (donc IEDisable à tout moment, sans parler d'attaque au bivouac) ? Si ce n'est à servir à attirer la foudre des GAT, à qui le tonnerre de la 3D (parfois à l'origine de bilan) ou du COS (à l'origine d'environ 150 pertes chez les GAT en cinq semaines) sera opposé.
Des fantassins conventionnels en pickup (et motos, et quads) capables de manoeuvrer comme les GAT ? Un SCOPS iconoclaste avait émis cette idée sans doute un peu avant-gardiste pour les opérations de l'époque, et pourtant, c'est en attaquant les GAT sur leurs modes opératoires, et en usant de leurs mode opératoire que les résultats viendront (de tels modes opératoires ont payé). En pickup, en quad, en motos, on est plus discret, on évite les IED. D'autant que la belle technologie a parfois un peu de mal à triompher de gens nettement moins bien équipés (cf le bilan stérile d'un nuit de Bourgou 4).
La question de la durée du mandat devra aussi être posée. Aujourd'hui, à quatre mois, l'emploi n'est pas de quatre mois, il est bien bien moindre. Il suffit de voir les temps d'opérations réels hors des FOB, les temps passés à la garde (jusqu'à un tiers du mandat...), mais aussi des redondances dans certains postes pas très exposés.
Sur ces temps d'opération réels hors des FOB, on peut aussi voir le temps passer rien que dans la projection sur la zone d'intervention, évidemment alimenté par les pannes, les explosions d'IED, les VNP. Bref, le temps réel à traquer les GAT n'est, en synthèse annuelle, pas maximal.
Evidemment, pour compresser les distances, on a créé l'hélicoptère. Mais la France a bien du mal, sur 300 hélicoptères, à en trouver 100 qui fonctionnent. Et seulement 16 à Gao, dont seulement sept hélicoptères de manoeuvre, dont la première mission consiste à évacuer les blessés. Certains jours, pas si rares, seule cette mission est en mesure d'être tenue (en astreinte).
Bref, sans les Britanniques et les Danois...
Bref, un surge sans rien changer, ni au Sahel, mais ni chez nous non plus, ne devrait pas produire grand chose de différent. Surtout face à un adversaire qui attire plus de volontaires que Barkhane n'en tue, et qui se renouvelle en permanence. Loin d'être la caractéristique première des forces alliées.

Mes infops et photos sur le twitter @defense137.

(1) c'est désormais reconnu et officiel, mais juré, il y a trois mois, Barkhane ne se faisait pas à l'économie...).