Le président de la commission de la défense a failli en perdre son légendaire sourire, et pourtant, ce
sont trois associations professionnelles nationales de militaires (APNM) particulièrement pessimistes qui sont intervenues hier après-midi en face de lui et quelques députés.
L'exercice, le deuxième pour ces trois APNM, les seules pour l'instant à être dans les clous de la reprentatitivé fixée par la loi, s'est avéré particulièrement instructif. Certes, les lecteurs de ce blog ne tomberont pas à la renverse, mais une telle audition peut remettre les pendules à l'heure.
L'APNAir, seule APNM d'armée reconnue pour l'instant a ouvert l'audition, après avoir rendu hommage aux deux spahis tombés la semaine dernière au Mali. Son président, un capitaine, a constaté que "le plan familles manque de mesures novatrices", particulièrement dans le registre indemnitaires. Il a aussi déploré le manque de mesures fiscales favorisant l'achat immobilier, et rappelé le rôle incontournable du fonds de garanties des militaires, un établissement public, pour financer le plan familles qui n'a donc pas été, majoritairement, abondé par de réelles ressources budgétaires.
Il a également informé les députés que le report du PPCR (des augmentations de soldes prévues par le précédent chef de l'état en personne) par un décret "paru en catimini" avait généré un sentiment de "déloyauté" et ce report est devenu un "sujet de mécontentement majeur", comme ce blog l'a plusieurs fois rappelé à trois reprises depuis le 6 janvier.
APNAIR s'est aussi inquiétée de la répartition à venir des 6000 postes créés par la LPM, alors que de notoriété publique, des spécialités critiques de l'armée de l'air ont été mises à mal par les coupes au scalpel dans les effectifs, ces dernières années. "L'armée de l'air a supporté des déflations excessives et incomparables avec celles des autres armées", a-t-il rappelé. Il serait "important et juste" que l'aviation puisse bénéficier "enfin" d'une remontée en puissance.
L'APNAIR a également évoque une "réforme anxiogène" pour les personnels dans le domaine des retraites, "l'inquiétude est grande" a constaté son président.
L'APNM Commissariat s'est exprimée à deux voies -un homme, une femme- sur un texte qui ne manquait pas non plus d'intérêt, dans ce qui reste la fonction la plus mal connue du ministère (message dans une bouteille). Elle a constaté que "l'effort est reporté à la fin du quinquennat", et que l'augmentation de crédits est principalement fondés sur des crédits pré-emptés, ce qui réduit "les marges de manoeuvre". Notamment pour la fonction soutien, qui n'est pas toujours aussi rutilant qu'on le croit : l'APNM a rappelé l'état préoccupant de 79 à 80 sites de restauration qui pourraient fermer à court terme. Un plan d'au moins 500 MEUR doit venir colmater les brèches.
Elle a aussi déploré que l'ouverture des droits d'exercice de fonctions politiques locales soit réduite à des petites communes, et à n'en pas douter, ce sera sans doute un sujet d'amendements, dans la discussion de la LPM.
L'audition de France-Armement, qui défend les intérêts des personnels de la DGA, s'est avérée aussi passionnante, son président expliquant qu'il avait du mal à concevoir le futur et le volume de charge qui y est liée sans un apport d'expertise, donc de bras et de cerveaux. Ainsi, la LPM lance-t-elle 13 nouveaux programmes (dont le renouvellement de deux programmes de la décision, le nouveau porte-avions, le SCAF et le char futur, une paille, donc), en accélère 30, à périmètre RH constant.
Il a aussi rappelé que dans une précédente audition, Laurent Collet-Billon avait demandé 600 postes de plus pour assurer les soutiens export, et que la LPM n'en garantissait pour l'instant que 400.
Un contexte dégradé donc, selon cette source, au point que des "cas de surcharges, voire de burnout" se multiplient.
Il faut le rappeler, ce sujet très sérieux est bien réel, aussi bien en première ligne, que dans les casernes, mais aussi les bureaux, où la mécanique du changement perpétuel et des mutations pas toujours judicieuses alimentent les statistiques.
Le président a aussi dénoncé le mauvais coup porté aux personnels en détachement qui partent à la retraite, et qui apprennent que leurs périodes de détachement ne sont pas prises en compte. 600 personnes seraient actuellement concernés par ce qui apparaît comme un changement d'avis de l'administration, puisqu'affirme le président de l'APNM, la garantie avait encore été évoquée l'an dernier avec le précédent ministre.
Enfin, les trois APNM ont déploré une absence de concertation avec la DRH-MD sur les sujets dans leur périmètre, particulièrement le plan familles. Pourtant et manifestement, ces organisations ne manquent pas d'idées. A défaut d'avoir été entendues par cette DRH-MD, elles n'ont pas hésité à transmettre leurs messages et leurs constats, par oral et par écrit, hier.
Le président de France-Armement a également eu un mot pour les gendarmes de l'armement, en nombre insuffisant pour assurer la sécurité des enceintes actuelles, et donc, de ce qui ceux qui seront rendus nécessaires par les travaux sur les nouveaux programmes. Il a aussi demandé pour eux une prime que reçoivent les gendarmes en gendarmerie, mais pas, à ses dires, les gendarmes en gendarmerie spécialisée.
Mes infops et photos sur le twitter @defense137.
Retrouvez cette audition en vidéo sur le site de la commission de la défense