Je m'attendais à un autre livre. Celui de Patrick Clervoy, psychiâtre des armées annonçant 10 semaines de mission à Kaboul, je m'attendais à un livre en forme de huis clos dans un cabinet bunkerisé, et je m'interrogeais déjà en me demandant ce qu'un psychiâtre militiaire, astreint en quelque sorte deux fois au secret (médical puis militaire) pourrait bien raconter de ses entretiens avec ses patients.
C'est de fait un autre livre, plus proche d'une version écrite d'Urgences. Le psychiâtre profite de sa position dans le rôle III de Kaboul pour décrire l'ambiance qui y règne, et une partie des actes médicaux qui y sont produits. Les drames humains, Français, Afghans, s'enchaînent au fil des pages, et le temps de quelques lignes, la vie reprend parfois furtivement ses droits. Sans verser non plus totalement dans Mash.
C'est donc, même si ce n'était pas le but, plus un hommage aux équipes médicales qui oeuvrent au rôle III, mais aussi dans la Medevac de la TF Mousquetaire. Mais un hommage incomplet, qui traite moins -même s'il en parle- du segment tactique, avec les sections. C'est aussi un livre dans lequel les sujets qui fâchent ont aussi été soigneusement évités. Et dans lesquels on trouve, même sans les noms des titulaires, des souvenirs difficiles de ces mois en Afghanistan. Une mère qui sermonne ses enfants via MSN (1), des blessés qui confient leurs traumatismes, leurs doutes : ont-ils donné leur autorisation pour qu'on évoque le contenu de leur relation avec leur(s) praticien(s) ?
Une fois prévenu de toutes ces limites, on peut donc le lire même si on n'est pas un gros lecteur : c'est écrit en gros caractères.
A entendre : l'interview de l'auteur sur RFI.
(1) un livre d'étude sur l'impact tactique des réseaux sociaux reste à écrire. Si un étudiant en sociologie cherche un sujet...