Suite, avec Jacques Gautier, du bilan du tandem le plus productif du Sénat.
Dans une interview à la lettre confidentielle AeroDefenseNews, vous expliquez que Chammal aurait pu se passer du porte-avions...
Le porte-avions Charles de Gaulle, plus largement le groupe aéronaval, signe l'engagement de la France en guerre, c'est aussi un outil diplomatique. Si la France devait mener des opérations dans l'est de l'océan Indien ou dans le Pacifique, le porte-avions serait incontournable. Mais pour les opérations du moment, au Sahel ou en Syrie et en Irak, il n'a pas la même dimension. Car nos forces prépositionnées, à Al-Dhafra, et un accord diplomatique, qui a permis l'installation des chasseurs à H5, permettent à l'armée de l'air d'opérer dans la durée. Et, dans le cas de H5, très près du théâtre.
Le MCO ne produit pas la disponibilité dont ont besoin les forces. Comment faire ?
On a un vrai problème dans l'aérocombat, c'est vrai, avec seulement 100 hélicoptères disponibles sur 300. Là où il faudrait plutôt 50% d'hélicoptères disponibles, voire plus. Il faut notamment trouver une voie d'amélioration pour les Tigre et Caïman, qui sont des appareils neufs, dont le coût d'heure de vol est très élevé, et la disponibilité, faible. Ce n'est pas propre au système de MCO français, puisque les Australiens, qui ont aussi du Tigre et du NH90, rencontrent les mêmes problèmes que nous. C'est donc un problème de fond qu'Airbus doit prendre à bras le corps. François Lamy, à l'assemblée a fait le constat, mais ne propose pas de solutions. On aurait pu écrire sur ce sujet mais on n'aura pas le temps, puisque je quitte mes fonctions dans quelques jours. Une des voies d'améliorations consisterait à confier à un industriel unique le MCO d'un type d'appareil, avec des pénalités si les objectifs ne sont pas atteints. On a réussi à le faire pour un hélicoptère d'instruction, le Colibri, à Dax, il faut aussi pouvoir le réussir pour les autres types, même si, évidemment, les hélicoptères de combat ont des contraintes lorsqu'ils sont déployés et maintenus en opérations, dans le sable, la poussière, dans des chaleurs extrêmes de jour, le froid la nuit...
Le HIL ne débouchera pas sur un appareil unique, maintenant c'est quasiment acquis...
Non, il y aura sans doute deux à trois modèles différents, pour répondre aux besoins des forces. C'est sur cela qu'il faut précisément travailler, pour identifier la bonne réponse, qui doit aussi prendre en compte un compromis entre modernité et rusticité.
Les forces spéciales sont-elles suffisamment équipées ?
J'ai vu le PLFS et le VLFS lors d'une visite du site de production, avec le ministre de la défense. Cela avance moins vite qu'on aurait voulu avec Daniel, mais cela avance. Le prototype du VLFS sera sans doute encore modifié une fois quand il sera passé dans les mains des commandos du COS. Du côté des avions, deux C-130H seront armés, et le COS aura aussi deux des quatre C-130J capables de ravitaillement en vol.
Faut-il vraiment un Caïman FS ?
Il manque au COS un hélicoptère moyen-lourd avec de l'allonge. On avait pensé, dans notre rapport sur les forces spéciales, à des partenariats avec les Britanniques et les Néerlandais, qui ont des Chinook. Ce dernier dégrade moins ses performances en altitude et par temps chaud et il reste capable de transporter 30 hommes équipés. On ne possède pas ce genre de machine : dès que vous enlevez des effectifs, vous faites perdre des capacités au groupe action du COS.
On aurait pu tenter de faire quelques chose avec les Néerlandais pendant leur déploiement au Mali avec des CH-47, mais ils étaient sous mandat de l'ONU, ce n'est pas très compatible avec les modes d'actions de la TF Sabre. On peut aussi louer deux hélicoptères pour une durée limitée. Mais en tout cas, je ne crois pas trop à l'achat de Chinook. Ni à la transformation de Caïman, qui prendra du temps, alors que le Caïman est aussi coûteux à l'achat et entretien -en temps et en argent-. On le voit aussi, ces Caïman ne sont pas une priorité des programmes des candidats. Par contre, je rejoins le général Bosser sur la nécessité de livrer plus de Griffon et de Jaguar, plus tôt, respectivement dès 2019 et 2021.
Ne devrait-on pas déjà déployer des VBCI, qui sont bien mieux protégés que les VAB ?
Ces véhicules ne passent pas partout là où passent les VAB.
Que reste-t-il de vos neuf ans de travail avec Daniel Rainer ?
Une amitié qui n'a jamais manqué d'abord. Elle a transcendé les courants et a donné à notre travail une dimension plus consensuelle. On est devenus les Dupont et Dupond de la Défense. Mais on avait aussi la durée avec nous, là où les militaires et les industriels ne restent pas aussi longtemps en poste. Cela nous a servi sur l'Atlas, mais aussi sur le Reaper, sur le MMP. On avait fait la démonstration que l'achat de Reaper était plus rationnel, et le ministre nous a appuyés, après six mois de réflexion. Il nous a rendu hommage à Niamey, le 2 janvier 2015, lors d'une visite sur cette base, en expliquant que le Reaper était là aussi du fait de notre travail parlementaire.
Pour le MMP, on était dans des engagements durs en Afghanistan : les tireurs Milan étaient pris à partie par les snipers talibans. On ne pouvait pas non plus le tirer en milieu clos. MBDA n'avait pas prévu d'alternative, car on le lui avait pas confié de budget pour anticiper cette situation. On a donc acheté des Javelin en urgence opérations, mais MBDA a finalement développé le MMP, qui convient parfaitement aux besoins de nos forces.
Allez-vous déconnecter complètement ?
J'avais fait la promesse de quitter mon siège avant la fin de mon mandat. Mais je ne déconnecterai pas de mes sujets.