La nomination d'Hervé Grandjean, connue depuis deux mois au poste de porte-parole du
minarm est officialisée ce matin au JO. C'est donc tout sauf une information, mais aussi peut-être tout sauf une promotion.Il faut remonter le fil pour comprendre ce qui a amené la minarm à procéder ainsi. La minarm a pu constater les limites de la configuration de son architecture de com (1300 à 1400 postes budgétaires), à qui elle ne laisse pas non plus une liberté totale. En outre, depuis trois ans, de nouveux acteurs ont été injectés dans le système : les influenceurs.
Leur présence brouille clairement les cartes, même si, en fait, tous les services de communication en jouent quand cela les arrange (un influenceur, rémunéré ou non par le minarm, ne pose pas de question qui fâche). L'association des journalistes de défense (AJD) a dénoncé à plusieurs reprises leur présence dans des points presse (encore hier) ou des reportages. Le cabinet de la ministre dit ne pas connaître cette présence et demande des noms.
Depuis plus d'un an, les tensions s'exacerbent au sein de cette filière com des armées, les uns sentant leurs ailes se faire rogner, les autres se sentant pousser des ailes. Au final, la filière file tout droit de toute manière vers une fonte rapide, et le recours à des prestataires privés, déjà bien inscrits dans le paysage. Cette fonte de la com des armées fera des heureux dans le secteur privé.
Refermons cette grande parenthèse qui livre le tableau dans lequel arrive le nouveau porte-parole.
Doté d'indéniables capacités pédagogiques (1), l'actuel conseiller technique industrie est à coup sûr doté d'une large culture générale du domaine défense, mais devra pourtant la nourrir des réalités d'armées qu'il connait en fait assez peu à hauteur d'hommes.
Or, c'est bien de là que proviennent l'essentiel des sujets qu'il devra traiter. Le nouveau porte-parole va donc devoir s'attirer la confiance des militaires dans un climat pour l'instant caractérisé par la défiance. Les armées ressentent que le cabinet ne leur fait pas totalement confiance et vice-versa. 2020 a fourni d'assez bons exemples lors de l'épisode de covid-19 à bord du Charles-de-Gaulle, mais aussi lors de la libération des 200 GAT au Mali.
Pour autant, à la création de la DICOD, en 1997, certains avaient une grosse défiance pour Jean-François Bureau, qui arrivait de l'Elysée, et pourtant, ils ne s'en sont plus plaints par la suite. Le nom de Jean-François Bureau est d'ailleurs régulièrement évoqué comme celui d'un messie, par de nombreux généraux qui ont vu son travail de l'époque. Doté d'une meilleure capacité de brettage avec la presse que d'organisation, il aura laissé le souvenir de point presse impeccables, nourris et... depuis jamais reproduits.
Sur un poste très fléché, et qui n'a pas du absolument générer une intense consultation de concurrents, Hervé Grandjean va donc devoir avant tout convaincre, ce qui est largement à sa portée, qu'il n'a pas été mis là par hasard. Ce proche du président de la République risque néanmoins d'être malmené dans ses prestations : difficile d'ignorer cette proximité, et certains intervieweurs, en radio ou en télé (réalisés en direct) risquent de lui faire porter des chapeaux qu'il n'a pas forcément prévu de porter.
A ce stade, on ne sait pas non plus quelle(s) capacité(s) de modelage du système il aura, puisque le poste de DICOD et d'ajointe reste pour l'instant maintenus (2)
En outre, il faut bien le constater, médiatiquement, la minarm et le minarm n'ont pas connu encore de connu de grosses com de crise. Le Charles-de-Gaulle aurait pu le devenir. Comme des centaines de sujets, au minarm, auraient pu le devenir. La faute à un désintérêt des média, et pour tout dire, des Français, pour la plupart de ces sujets.
(1) il est le recordman des points presse techniques ou "off" menés par le minarm avec la presse depuis l'arrivée de Florence Parly en 2017. Il est aussi, de fait, un des plus anciens collaborateurs de la minarm, avec le directeur de cabinet, Martin Briens et son adjoint, Benjamin Gallezot, qui mène personnellement la réforme de la filière com des armées.
(2) donc en pleine fonte du coût structurel de la com défense, un quatrième poste de haut niveau est créé, dans la sphère ministérielle, qui comprend déjà un conseiller communication (et deux renforts) de la ministre, une directrice de la DICOD, une adjointe (générale de brigade). Là où jusqu'à maintenant, sans difficulté aucune, le système se suffisait de trois : il aura fallu une situation inédite (une directrice de la DICOD qui a mené toute sa carrière dans la communication sans devenir porte-parole à la défense) pour que cette fonction soit externalisée, pour la première fois depuis 1997.
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