Bref un couteau suisse, ou pour être totalement exact, lorrain. Nathalie Gourdin, 40 ans en fin d’année, court dans quelques jours pour les blessés, après une implacable préparation physique et mentale. En ligne de mire, le marathon des Sables, une course en autonomie où elle croisera d’autres militaires d’active ou de réserve.
Pourquoi cours-tu pour les blessés ?
J’ai choisi cette cause car j’ai été beaucoup touchée dans mon parcours par des cas de blessés. Notamment quand j’étais officier environnement humain au 511e RTN. A l’époque, nous étions dans les sujets de préparation opérationnelle pour l’Afghanistan et dans les prémisses du sas de Chypre, avec récupération des blessés. J’en ai vu tellement, blessés physiques et psychiques, que cela m’a touché. Dans ma carrière militaire, j’ai rencontré aussi six cas de suicides. Souvent à cause de la contagion des émotions négatives.
Connais-tu des blessés ?
J’en connais et j’en suis dans mes activités actuelles. J’en parle beaucoup aussi avec l’association Les Invaincus qui se sentent un peu démunis face au système militaire, ils essaient de trouver ses solutions et de s’aider entre eux. Ce que fait l’armée, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant disent-ils.
Les Invaincus et l’Entraide TDM sont les deux causes que tu soutiens donc dans cette course ?
Oui parce que Les Invaincus et l’Entraide TDM, avant, l’Entraide Colo, font des actes durables. Le donateur sait à quoi chaque don va servir. Or ce n’est pas toujours le cas dans les grosses associations. J’apprécie cet esprit d’entraide et de soutien, l’Entraide TDM ne se consacre pas qu’aux blessés mais aussi aux familles, selon les circonstances.
Un membre des Invaincus, ancien légionnaire, s’est suicidé il y a quelques jours. Les Invaincus ont apporté leur aide à la famille.
Ils ont fait choses extra, et ce faisant, ils peuvent fâcher en interne car ils font bouger les choses.
L’Entraide TDM apporte des aides financières, ils peuvent mettre le complément financier quand il manque des sous pour des soins. Les colos ont toujours eu cette entraide, comme la Légion (mais aussi les troupes parachutistes et de montagne, avec deux Entraides également très fortes, NDLR). Souvent, ils avancent l’argent avant la CABAT. Ils essaient de faire le lien, grâce à leur proximité avec le personnel, c’est plus facile pour l’Entraide.
Traditionnellement, en interview, les bénéficiaires de sponsors crient aussi leurs noms, pas toi ?
Si (rires), le MEDEF est un grand sponsor et j’ai le parrainage de Geoffroy Roux de Bézieux (ancien aspirant des commandos marine, il a gardé une fibre, et notamment sur la reconversion des militaires et les blessés, NDLR). J’ai aussi le soutien du CEMA et du CEMAT. Des entreprises et des donateurs sont encore en négociation, je préfère qu’ils restent anonymes à ce stade. Mais je constate que de nombreux sponsors ont aussi réagi parce que c’est une femme qui fait quelque chose principalement pour des hommes. Plusieurs sponsors m’ont dit que c’était génial, et que c'était le facteur déclenchant de leur soutien.
Comment monte-t-on le financement, le sponsoring surtout dans une époque pareille où les individus comme les entités économiques sont moins généreuses ? La cause retenue impacte-t-elle les dons ? Combien te fallait-il pour démarrer ?
Pour courir le marathon des sables, il faut 6000 euros, soit le budget d’inscription et le matériel nécessaire. C’est une course particulière, en autosuffisance. J’étais soutenu par la Colo, au départ j’ai demandé le sponsoring du SMA et de l’EMSOME.
Comment on s’entraîne à une course pareille ?
C’est un entraînement sur un an, l’idée au départ consistait à travailler et à augmenter les distances tranquillement. J’ai fait beaucoup de renforcement musculaire, il faut être affuté mais être fort pour porter le sac et avancer dans le sable. Ce n’est pas le même effort que sur du plat. Il faut travailler comme un sportif de haut niveau sans en avoir toutes les disponibilités. En général, j’y ai consacré une quinzaine d’heures par semaine à raison d’un heure de course à pied par jour, et une à deux sorties longues par semaine, de plus de 20 km. Evidemment, aussi faire une distance de marathon (42 km). Dans les trois derniers mois, mon sac est passé à 3kg, puis 4 kg, puis je suis passé en mode rando trail avec le sac de 6 kg. Il faut aussi avoir une stratégie du meilleur renfort poids-puissance. Pas trop léger, pas trop lourd, être charpenté au niveau du dos et évidemment, avoir un mental d’acier…
Moi j’ai mais je déteste courir, je préfère marcher...
(Rires) Mais ils prennent les marcheurs aussi. La version course comprend 250 km en étapes d’une trentaine de kilomètres, une à 80 km, une à 42 km et une étape solidaire à 10 km.
Comment cela se passe, tu sais déjà où tu vas courir ?
Tout est secret, on a une convocation à l’aéroport, le parcours est encore secret. Et après la bulle sanitaire.
Connais-tu d’autres coureurs militaires ou anciens militaires comme toi ?
Tous ceux qui courent au profit des blessés seront rassemblés pour le bivouac dans la tente 132 qui m’accueille. On partage déjà les bonnes pratiques sur une boucle.
Je serai avec des chasseurs alpins qui se battent aussi pour des blessés au sein de la « team Chasseurs Alpins ». Deux élèves officiers saint-cyriens blessés de la promo général Gaillot seront aussi présents avec un sous-officier de l’école. C’est cette promo, pour l’anecdote, qui vient de gagner un concours de chant à la télé.
Comment te suit-on dans ce MDS2022 ?
Je porte une balise GPS, je porte le dossard 188, on peut me suivre depuis la France. Je vais aussi prendre des photos. MOS solutions, qui fournit les FS, pourra récupérer ainsi un reportage de mes images. Mais on a droit seulement à un mail par jour. Mon mari, M., qui m'a soutenue pendant toute cette préparation, sera le destinataire de ce mail et répartira les infos tous les soirs. Sur place, sinon, l’environnement médical est sérieux, on est très encadrés car c’est une des courses les plus difficiles au monde.
Comment sait-on comment l’argent que tu as collecté sera employé ?
Je compte passer un moment avec Les Invaincus au retour, avec une remise d’argent à la journée des blessés ou au MEDEF. Et que chaque association dise ce qu’elle va faire de l’argent. Je voulais cette traçabilité des actions qu’elles pratiquent déjà elles-mêmes comme je l'ai dit au début.
Et pour donner ?
J’ai monté une cagnotte Leetchi. Tout le monde peut faire un don, entreprise, particuliers. A la fin, on fera un retex aux donateurs, avec une communication, de la vidéo : à quoi l’argent va servir, pour avoir une totale logique de transparence. Avec Entraide TDM, les donateurs peuvent aussi bénéficier de la défiscalisation.
(Recueilli hier).
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