On l'a un peu oublié depuis le début de la guerre en Ukraine, mais le nucléaire reste une valeur sûre.
Quatre des protagonistes de ce sujet en disposent en direct (et cinq, via l'OTAN). Bref, de quoi garder un niveau de discussion militaire qui veuille rester dans le conventionnel, et de fait, confiné à l'Ukraine.Pataugeant sérieusement en Ukraine (et commettant on l'a déjà vu, des crimes de guerre sur la population et les média), l'armée de Poutine aurait bien du mal à faire plus. Sauf, et le leader du Kremlin l'a rappelé dès le premier weekend sur le mode "retenez-moi ou je fais un malheur" et "j'ai le doigt à deux mètres du bouton, voyez les dégâts si je glisse sur une tasse de thé", le nucléaire fait partie de l'équation possible.
La France a choisi de relever sa posture nucléaire comme je l'ai révélé la semaine dernière dans Air&Cosmos. Contrairement à ce que certains écrits voudraient faire attester, il ne s'agit pas d'une sorte de kermesse pour vérifier si les industriels en sont capables, ni mêmes de savoir si c'est possible (on le savait).
En matière d'armée, tout est possible, de fait, sauf, évidemment, de sortir le 4e SNLE qui est toujours en grand carénage. Et puis n'oublions pas que ces sous-marins n'ont pas de stocks de missiles excédentaires (et oui, le "juste niveau" dicté par la "détente", "les dividendes la paix", etc). Bref, sauf à ne pas remplir tous les silos, trois à la mer, c'est vraiment le maximum. Et pas en permanence.
A ce stade de ce papier, il faut donc le reconnaître (même si cela écorchera quelques gorges), oui, nous avons la chance d'avoir préservé une duade constitué du trio inséparable tanker/Rafale/ASMP-A, et du couple SNLE/M-51. En plus et pour quelques jours encore, le groupe aéronaval formé autour du Charles-de-Gaulle prend vraisemblablement sa part du contrat opérationnel fixé par le chef des armées au CEMA. "Les soutes à munitions sont pleines" affirmait en début de semaine le contre-amiral Christophe Cluzel, sans la moindre malice ni la moindre précision évidemment sur la présence d'ASMP-A à bord.
Mais c'est une évidence que le porte-avions détient cette capacité. Il ne le crie pas sur les toits, parce que c'est la dissuasion, mais c'est une évidence.
La 4e escadre de chasse est la plus polyvalente des composantes permanentes : elle tient la posture, disséminée, mais en plus elle va prendre le plot de Chammal dans quelques jours, et assure depusi hier les vols de chasse quotidien vers la Pologne. Ce sont les tankers de la 31e EARTS qui assurent la longévité des vols de 8 heures. Des opérations à double FAS : posture nucléaire, contribution aux opérations conventionnelles.
Cette situation à trois composantes d'alerte (n'oublions donc pas les Rafale de la 4e escadre de chasse et les tankers de la 31e EARTS dont ceux du bien-nommé Bretagne), la plus favorable, sont le résultat de 80 ans d'efforts budgétaires des Français (nous sommes tous actionnaires de la dissuasion), de recherche, de fabrications. Ils ont tiré le conventionnel vers le haut : que seraient les technos de Naval Group dans le domaine sous-marin sans les investissements (pharaoniques diront certains) dans la FOSt ? Pourrait-on faire des opérations aériennes conventionnelles en 2022 sans les tankers ? Non, clairement, l'armée française est l'armée française grâce à la dissuasion. Et sans ces efforts continus, nous ne serions pas prêts. Actuellement, faute de munitions, de dispo des matériels, nous ne serions pas prêts pour une guerre conventionnelle de haute intensité. Les militaires sont prêts, mais l'outil de défense n'est pas prêt. C'est mentir que de le dire. Mais côté dissuasion, c'est, comme les scouts, toujours prêts !" "Semper Paratus" qui pourrait être gravé dans le PC Jupiter.
Même si cette dissuasion dévore gaillardement plus de 20% des crédits chaque année qui passe.
Ne soyons pas réducteurs, n'opposons pas les capacités. En ce moment précis, bien d'autres capacités mobilisées, ou insuffisamment acquises ces 40 dernières années s'avèrent inutiles car la France n'en a pas assez. Poutine le sait, et joue dessus.
Par contre, des têtes nucléaires, ça fait sérieux et ça classe tout de suite le dialogue.
La France a réalisé un exercice Poker il y a quelques jours, comme prévu, et elle a eu raison de ne presque rien y changer. C'est un message de la capacité de la France à faire. Sans ajouter d'huile sur le feu, mais sans éloigner non plus l'huile du feu, ou de la mettre au congélo. C'est plus compliqué d'envoyer un tel message avec les SNLE. Sauf à faire savoir que trois sont à la mer au lieu d'un seul.
Grâce à des décisions tenues dans le temps depuis le général De Gaulle, cette capacité a été maintenue. Le monde le démontre : il ne faut pas changer de voie.
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