lundi 10 mai 2021

Parler ou servir, il faut choisir

Après le conciliabule du 8 mai entre le président et ses chefs d'état-major, projeté sur écran sans le son

associé, l'état-major rétablit le son, ce matin, suite à la diffusion d'une nouvelle tribune, comme je l'évoquais le 8 mai. Difficile de la numéroter, dans la mesure où la tribune devient un récurrent, ces derniers jours.

L'état-major coupe court à l'idée d'une institution aux abois, évoquant sa "sérénité". Le principe d'une tribune qui reste anonyme agace néanmoins clairement, sans doute aussi le fait qu'au final, les auteurs (s'ils sont bien militaires) et les signataires (s'ils sont bien militaires) sortent doublement de leur devoir de réserve, avec une expression publique sur des sujets politiques (hors du sentier balisé de la neutralité), et qui n'est pas, en outre, dans leur champ de spécialité (curieusement totalement évacué, alors qu'il y aurait peut-être des sujets à développer, mais ce n'est que mon avis).

Un des missi dominici de l'état-major évoque d'ailleurs et sans détour, à titre personnel, le caractère "nauséabond" d'un document anonyme, sentiment d'ailleurs partagé dans les étages supérieurs, mais sans doute aussi dans la base. 

De quoi remettre en cause un contrat avec la République : la solde comprend une disponibilité (jusqu'au sacrifice suprême) mais aussi, donc, ce devoir de réserve. Qui n'est pas le mutisme non plus. 

Les signataires ne s'en rendent pas forcément compte non plus : ce qui fera vivre médiatiquement ces tribunes, c'est bien la capacité à l'incarner avec des voix (les télés, les radios, les grands médias veulent des porte-paroles depuis ce matin) : or par construction, l'orientation prise par la première, puis la deuxième tribune risque de décourager des militaires à une expression nominative. Pourtant, l'état-major ne l'interdit pas : seulement, en quelque sorte, il faut choisir, le statut militaire, la solde (qui commence au premier jour de formation), et les sujétions afférentes. Ou un métier qui permette (avec d'autres contraintes) l'expression publique sur les sujets de sociétés : journaliste, politique, etc.

En filigrane est clairement posé aussi le statut des 2S : l'expression (pas toujours que technique, ni dénuée de commentaires) des uns, poussés par les autorités ne gêne pas, celles des autres (parce qu'elle pose problème au gouvernement) n'est pas tolérée. Une règle unique doit donc être trouvée, et non pas seulement au doigt mouillé. Par leurs sujétions, les 2S ne devraient pas avoir moins de contraintes qu'un personnel d'active en matière d'expression. 

A ce stade, le rappel de ce matin est déjà presque de trop : les chefs d'état-majors avaient déjà ré-expliqué, la semaine dernière, les limites posées par le devoir de réserve. Pas inutile, puisque certains des signataires d'active de la première tribune (18 donc une poignée, en majorité issus de l'armée de terre) seraient revenus sur leur soutien au texte. Une tribune et de multiples rappels plus tard, les sanctions risquent d'être, cette fois-ci, plus dures. 

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