L'histoire de Bounti le montre, le ministère des armées n'est plus suffisamment réactif pour
communiquer en crise, ce qui fut pourtant, il y a un temps (déjà certain) une de ses spécialités. Les GAT l'ont bien compris depuis des années, ils vont désormais utiliser ce défaut de cuirasse d'autant plus exploitable que les relations entre les media et le minarm, déjà mauvaises en mai dernier, se sont à nouveau détériorées.Hier, la minarm assurait que l'explication de son ministère était sa priorité numéro 1, dans les faits, le flot de journalistes qui pouvaient reporter sur l'opération Barkhane s'est réduit, en décembre dernier, pour se quasiment tarir désormais. L'EMA explique qu'il n'est plus possible d'aller à Barkhane, mais qu'il est possible d'aller voir les sites outremer (le plus loin possible de Barkhane, on l'aura compris, NDLR). Un dialogue de sourds est désormais installé, même s'il subsiste de très fragiles ponts.
Il faut le dire, en toute transparence : vous savez ainsi pourquoi vous lirez moins d'informations sur Barkhane, et plus de fake news. Les journalistes qui traitent de ces sujets n'ont pas choisi la défense pour voyager, ils auraient choisi la spécialité tourisme sinon, nettement moins risquée.
Quand un journaliste est déployé dans un VAB sur une piste sahélienne, il peut aussi sauter avec ce dernier (1). Les FOB sont régulièrement cibles d'attaques en tout genre. Et les aéronefs connaissent régulièrement des pannes, ou des accidents, régulièrement mortels. Les emprunter expose au même risque pour les militaires et les journalistes qui en sont bien conscients. C'est un risque accepté.
Croire qu'annuler ces embeds permettra d'améliorer le storytelling de Barkhane est une erreur dramatique. Bien au contraire, et on l'a vu sur Bounti, l'absence de témoins impartiaux est facteur de suspicion. Les IED physiques tuent des soldats français (40% des morts de Barkhane et Serval), en ont blessé des centaines (toujours aucune précision de la part du minarm sur ce point), mais les IED médiatiques, fait de bric et broc feront des dégâts considérables, eux, sur l'image de la France, sur le niveau de confiance des français pour les opérations (et non les soldats) menées au Sahel. Ces IED médiatiques cherchent à prendre la main sur nos cerveaux, et notre volonté de combattre.
Et comme plusieurs conflits l'ont bien montré, une armée peut gagner tactiquement sans gagner stratégiquement car elle n'aura pas gagné les coeurs, ni ceux des Français ni ceux des Sahéliens. C'est un des objets de la communication opérationnelle. Manifestement, la victoire va être compliquée. A Barkhane comme ailleurs.
Mes infops et photos sur le twitter @defense137.
(1) peut-être une crainte de l'exécutif. Rappelons l'emballement parisien quand une collègue avait été très légèrement blessée, en 2011, déjà à une époque où l'exécutif craignait un renversement de l'opinion.