Une nouvelle illustration du décalage entre le rythme médiatique et celui des opérations est bien
apparu, ce matin, plus de 24 h après la fin de l'attaque du Splendid (et 36 h après le début).
Des rédactions ont reçu un appel de l'EMACOM demandant à ce que des photos parues depuis le début de la prise d'otages soient floutées, puisque sur certaines, des commandos français ne portaient pas de cagoule (1).
La loi française précise que les personnels des unités spéciales, inscrites sur une liste diffusée au journal officiel, doivent voir leur anonymat préservé. Dans une acception restrictive, on peut comprendre qu'il ne doivent pas être nommés, mais cela peut inclure, dans une acception plus large, le fait qu'ils ne puissent pas être reconnus.
Problème, évidemment, il faut savoir qu'on a affaire à des commandos du COS, alors que par exemple, l'Elysée, hier matin, n'évoquait que des troupes françaises. Et que l'EMA n'a pas reconnu immédiatement non plus l'implication du COS. Il y a 22 heures, il parlait, comme l'Elysée, de "forces françaises" avant, deux heures plus tard, de reconnaître qu'il s'agit de forces spéciales.
Seulement, le rythme de l'info n'attend pas les officialisation de l'EMA, ce qui créée donc, de fait, une faille immense dans la loi française.
Puisque tant que les combattants ne sont pas officialisés comme FS, il ne sont que des combattants français, donc, de ce fait, pas protégés par la loi.
Si l'EMA avait, dès l'engagement des commandos du COS, reconnu qu'il s'agissait de FS, la loi aurait pu s'appliquer. Et les rédactions, informées de cet état de fait, auraient pu respecter (ou pas) la loi en toute connaissance de cause.
Mais sans cette officialisation, point de condamnation possible.
D'autant plus que la plupart des rédactions ne connaissent pas cette contrainte d'anonymat. Les journalistes spécialisés défense sont de moins en moins, et c'est donc le tout venant qui traite les sujets. Le ministère a aussi une responsabilité dans ce domaine, puisque si les nouveaux venus ont droit à une année d'IHEDN (s'ils ont le bras long), aucun cours, aucun manuel ne livre un fond de sac sensibilisant le journaliste à quelques contraintes du domaine.
(1) un confrère me fait remarquer qu'à Ouaga ou Bamako, il fait plus chaud qu'à Dammartin ou à Paris et Saint Denis, où les interventions du RAID, de la BRI et du GIGN, bien plus médiatisées que celles d'Afrique, n'ont pourtant pas dévoilé de visage d'opérateurs de ces unités. Donc, une question en découle : est-ce le modèle de cagoule du COS qui n'est pas africanisé -trop chaud à porter- ou, comme pour les pièces et les véhicules, manque-t-on aussi de cagoules ?