La mort au Niger du caporal Thomas Guillebault le rappelle : des militaires français opèrent depuis des
mois au Niger. Bien qu'aucune résolution de l'ONU -contrairement au Mali ou en RCA- n'ait guidé ce pré-postionnement. Cela ne fait pas non plus l'objet d'une demande explicite des autorités nigériennes qui ont néanmoins pu profiter de Gazelle remises à neuf, d'un hangar et de services de formation. Ceci, pour ce qui est identifiable, évidemment.
Jusqu'à maintenant, l'EMA ne communiquait pas sur ce théâtre, et n'y autorisait aucun reportage.
La France y dispose, de fait, d'une base opérationnelle avancée, jusqu'à présent orientée dans le renseignement aérien. Des forces spéciales y ont aussi opéré, comme le rappelait, il y a quelques jours, les décorations attribuées à deux dragons du 13e RDP, blessés par IED.
C'est de notoriété publique, la quasi-totalité de l'escadron drones 1/33 Belfort y est donc installée, il côtoie des drones américains et sans doute, des avions légers de renseignement, privés et étatiques.
Ponctuellement, un Gabriel de renseignement électronique s'y est aussi déployé, au début de l'opération Serval.
Mais l'évolution du théâtre amène à remettre à plat le stationnement des vecteurs. Les trois Mirage 2000D de Bamako vont se replier prochainement sur Niamey, où d'importants travaux ont été nécessaires (cela avait déjà été le cas pour les drones) car l'infrastructure y était minimale. Cela avait déjà été constaté lors de l'implantation de trois ATL-2 de la marine, en 2010, lors d'opérations de recherche d'otages.
Les deux seuls Reaper de l'armée de l'air y seront aussi opérationnels dans quelques heures. Cinq vecteurs de ce type seront donc basés sur place. Comme je l'ai déjà écrit, c'est la première fois qu'un système d'armes totalement nouveau et aussi complexe arrive aussi vite sur un théâtre d'opérations, réduisant de fait à la portion congrue ce qui prend parfois des mois (pour ne pas dire des années) dans un programme classique d'armement.
Rappelons que s'il n'a pas de pilote à bord, le drone est un engin complexe de 4500 kg, embarquant des systèmes de pointe. En quelques semaines seulement, les personnels du Belfort se le sont appropriés, et s'apprêtent à les utiliser dans des missions de guerre. La présence des cabines de pilotage sur le théâtre même (une autre première) a un apport direct à la réactivité et à l'utilisation du drone par des tiers, notamment, mais pas seulement, les forces spéciales.
La concentration de moyens et d'intelligence sur ce bout de bitume africain oblige donc à mettre en place des moyens particuliers de protection (1). Lors d'une présentation de son détachement, le chef du Belfort avait rappelé qu'à Bagram, ses personnels y avaient connu des tirs réguliers de roquettes, et avaient déjà dû protéger leurs avions les armes à la main lors d'intrusions terroristes dans le périmètre (toutes choses qui ne sont pas forcément courantes dans l'armée de l'air), et la logique n'est pas très différente au Niger, qui a connu plusieurs attaques terroristes depuis 2010, y compris sur des sites très protégés.
L'arrivée de la chasse, assez difficile à camoufler, va accentuer la pression.
La composante de force protection est donc plus que jamais essentielle. Encore plus qu'ailleurs, c'est une mission opérationnelle.
L'EMA ne s'est jamais risqué à évoquer cette guerre discrète, livrée depuis Niamey. Dans cette logique, aucun chiffre n'a jamais été cité pour le volume d'effectif français présent au Niger (2), mais selon des estimations convergentes, il a déjà vraisemblablement dépassé la centaine, toutes capacités confondues (renseignement, génie de l'air, GAAO, protection, forces spéciales, etc). L'arrivée des Reaper, et celle du détachement chasse de Bamako devant, de fait, contribuer à doubler ce chiffre.
(1) dans ce domaine, l'armée de l'air a pu développer des techniques (comme les patrouilles extérieures, apprises du RAF Regiment à Kandahar) et obtenir des moyens (à base de capteurs, mais étonnamment, pas de minidrones) pendant les opérations en Afghanistan, qui ont directement servi au Mali et au Niger.
(2) aucun journaliste n'a non plus été admis dans ce détachement. Côté français, on évoque une demande des autorités nigériennes de ne pas communiquer sur ce site. Comme à Djibouti, sans doute.