Un an après Harmattan, trois après les premières actions au Sahel, la France continue à traîner ses vieux démons. L'essentiel du renseignement exploitable qui lui arrive provient des équipes du COS réparties au Mali, mais aussi des Atlantique 2 basés de la marine implantés en Afrique de l'ouest. Le travail de ces appareils aurait été particulièrement utile, notamment pour trouver des cibles au sol, la difficulté du moment. L'engagement coopératif de Patmar et de chasseurs ne date pas d'aujourd'hui : déjà, les Jaguar de Lamentin (... en 1977 !) étaient taskés par un ATL-1. On a redécouvert cette configuration en Côte d'Ivoire, puis l'an dernier, pendant Harmattan, quand les ATL-2 livraient des cibles aux Mirage 2000D... et ne l'oublions pas, aux hélicoptères de l'armée de terre.
Le président lui-même a dû, dimanche, sonner le clairon et demander une mobilisation du renseignement. Mais qui tancer, sinon ceux qui votent les budgets afférants depuis des années ? Et ceux qui détiennent les leviers des décisions des programmes ? On n'a pas su trouver 300 MEUR pour financer un satellite d'interception, CERES alors que le trop fameux "connaissance et anticipation" était la priorité du livre blanc de 2008 ! Les drones de l'armée de l'air n'ont toujours pas pu entrer en action au Mali. On leur a construit un toit, à Niamey (Niger), mais le temps de rejoindre la zone de combat (puis il faut penser au retour), ils auront consommé entre un tiers... et la moitié de leur carburant. Rappelons que le dossier des drones, qui devait être tranché en juillet ne l'a toujours pas été. On va donc rustiner des drones qui avancent à la vitesse d'un motoplaneur. Par ailleurs, la modernisation des ATL-2, repoussée depuis des années, a vu sa notification... décalée !
La notification du programme MRTT, lancée par une lettre de MAM en... 2007 traîne toujours. La France a réussi à mobiliser 5 tankers à N'Djamena, mais cela ne pourra pas tenir dans la durée. Ces avions vieux de 40 ans sont à la merci du petit caprice de l'âge. Aucune autre force aérienne, notamment européenne n'a proposé son concours pour ravitailler nos chasseurs : on voit mal comment demain, une flotte mutualisée de MRTT en Europe pourra donc nous aider... Mutualisation européenne, un mot à la mode, mais qui dans les faits, n'aide pas les Rafale à voler. Il y a 2000 km entre N'Djamena et le nord-Mali, cela consomme quelques ravitaillements.
En 2013, la France ne peut projeter 20 VAB en Afrique qu'avec le concours de la Royal Air Force, de l'armée russe (affrétée par ICS) et peut-être, de l'US Air Force. Par chance, ces avions sont disponibles et leurs propriétaires compréhensifs de nos soucis. Sinon, il aurait fallu procéder à Bamako et à Mopti à pied... et donc, sans blindage autour.
On peut s'interroger aussi sur le temps qu'il aura fallu pour envoyer quelques Tigre (trois a priori) au Mali. Certes, il y avait deux autres engins du même type en Afghanistan, et deux autres sur le Mistral, au large de la Somalie, où ils sont aussi très utiles. Mais quand même : la France dispose de 40 Tigre HAP ! Dans quelques heures, il n'y aura donc qu'à peine 20% de cette flotte en opérations. Là où les C-135FR qui craquent de partout sont deux fois plus déployés.
Toutes ces questions ont de quoi interpeller nos militaires (cela fait déjà un bout de temps), les contribuables, les citoyens, les familles de ceux qui ont péri : des réponses devront être données. Y compris, dans les formats découlant du livre Blanc.