Les techniques d’identification du champ de bataille, la numérisation, les technologies les plus performantes : tout ceci ne résiste pas au « brouillard de la guerre ». Un beau sujet de colloque pour la rentrée, mais une réalité qui rend la guerre moins simple à mener qu’au comptoir du café du commerce.
On ne tire évidemment pas sur une cible non identifiée. Mais cette règle, facile à défendre à Paris se complique dès que l’on se rapproche du feu, quand les compte-rendus d’évènements (quand il y en a…) sont ellipitiques et parcellaires, qu’il est tout bonnement difficile de situer précisément la provenance de tirs qui vous ciblent…
Les équipages d’AMX10RCR –je n’ai pas l’information pour les équipages de VBCI- ont traditionnellement une autonomie décisionnelle pour déclencher un tir, dans un cadre général, les ROE (règles d’engagement). On ne tire pas sur une mosquée, par exemple, ou des habitations. Là où cela se complique, c’est quand les insurgés utilisent l’une ou les autres comme poste de tir.
Dans l’action, plusieurs biais peuvent survenir. Les amis ne sont pas toujours là où ils devraient être, et l'ennemi, rarement là où l'attend. Autre risque, celui d’une « target fascination » par exemple -on est omnibulé par la cible au point que le champ visuel se rétrécit, et qu’on fait abstraction de tout le reste. C’est cette même « target fascination » qui est décrite dans le rapport d’enquête du crash d’un Mirage 2000D, qui expérimentait une nouvelle technique d’engagement coopératif avec les forces spéciales en 2003, à Djibouti. Précisément avant que ces mêmes FS ne soient déployées en… Afghanistan.
De même, la numérisation peut-elle « n’éclairer » qu’une partie de la zone d’action. Le blue force tracking (BFT) produit par la technologie actuelle ne livre qu’une illusion, ou en tout cas, qu’une vision partielle du combat qui se déroule.
Et l'optronique est souvent un détecteur d'activité, mais pas le moyen formel d'identifier un adversaire (1). Surtout de nuit.
Les troupes ont bien, pour se signaler, quelques moyens comme les patches infrarouges (livrés seulement depuis quelques mois), les éléments de balisage individuels (EBI, des panneaux orange pour être visibles des aéronefs, mais donc visibles que de jour...), des lampes à filtres...
Mais on l’a bien vu avec un tir de Milan qui avait tué, le 6 avril dernier, des enfants afghans, même en prenant des précautions –ce jour-là, en plein jour-, on peut commettre un erreur fatale (2). Le cas s’est produit aussi à plusieurs reprises, comme l’attestent plus ou moins correctement les Wikileaks papers, avec des véhicules afghans qui pouvaient apparaître menaçants contre des convois français.
Cette crainte de dommages collatéraux, de tirs fratricides, est une préoccupation courante. N’avait-on pas dit après Uzbeen que le silence des mortiers de 81 mm du RMT était précisément lié à la volonté de ne pas toucher nos propres troupes, sur le col de Sper Kundaÿ ?
(1) illustration de cette évidence, rappelée par le combat en Afghanistan : les futurs pods de ciblage qui équipent les avions français auront une voie visible (seulement efficace de jour, évidemment). Et l'ALAT ajouterait bien une voie jour au viseur de ses Tigre : dans les deux cas, l'infrarouge ne suffit plus à lever le doute...
(2) cette erreur de tir s'est déroulée, déjà, en vallée de... Bedraou, qui était lundi la zone d'action de Hermes Burrow. Le cas est encore différent puisque cette fois, les éléments d'appui était en observation depuis "plusieurs heures", insistaient les éléments de langage de l'époque.