Vous défendez une position unique dans la majorité, en vous opposant aux expulsions d’afghans…
J’avais été très surprise et émue par les trois premières expulsions, le 21 octobre dernier. On nous avait alors dit qu’il n’y aurait plus d’expulsions tant que l’Afghanistan serait en guerre. Il faut bien comprendre que par delà cette erreur humanitaire, c’est aussi catastrophique pour l’image de la France au niveau de la population afghane. Déjà que les afghans nous assimilent de plus en plus aux Américains, mais là… Les insurgés auront beau jeu de dire : « regardez comment les Français, chez eux, traitent vos frères… ». En Afghanistan, nous sommes engagés dans une guerre contre-insurrectionnelle qui se gagnera avec le soutien de la population et ce genre d’action est totalement contraire aux intérêts de nos militaires sur le terrain.
Quelles sont les priorités pour l’Afghanistan, aujourd’hui ?
Il faut consolider la sécurisation des zones où il n’existe encore qu’un peu de sécurité, et maintenir, voire récupérer les zones où c’est plus difficile. Et dans la foulée, engager les opérations de développement civil, en mettant le paquet. J’ai vu l’Afghanistan en 2002, c’était surréaliste. Des quartiers entiers de Kaboul étaient rasés, il n’y avait plus rien, c’était lunaire. A certains endroits, on avait reconstruit sur des parties détruites, et cela avait été à nouveau détruit…
En 2003, en Wardak, j’ai vu une de ces écoles à ciel ouvert, les instituteurs avaient une volonté incroyable, ils me faisaient penser aux hussard noirs de la République, il y a un siècle, chez nous… Les Afghans qui avaient un peu de connaissances s’improvisaient instituteurs, ils avaient le cœur grand ouvert. Mais après, on n’a pas été en capacité de les accompagner dans la reconstruction.
Aujourd’hui, la santé des habitants de Kaboul est attaquée par la pollution autombile, on a reconstruit cette ville n’importe comment. Avec quatre millions d’habitants, il n’y a toujours pas l’eau courante, pas de ramassage d’ordures, et l’électricité vient d’Ouzbékistan, par voie aérienne. Les Afghans ne comprennent pas ce qu’on leur impose. Les enseignants ne sont toujours pas formés, on manque de juges aussi, si bien que dans certains villages, ce sont les islamistes qui jouent ce rôle.
Les Afghans ne voient pas le progrès arriver.
En 2003, en Wardak, j’ai vu une de ces écoles à ciel ouvert, les instituteurs avaient une volonté incroyable, ils me faisaient penser aux hussard noirs de la République, il y a un siècle, chez nous… Les Afghans qui avaient un peu de connaissances s’improvisaient instituteurs, ils avaient le cœur grand ouvert. Mais après, on n’a pas été en capacité de les accompagner dans la reconstruction.
Aujourd’hui, la santé des habitants de Kaboul est attaquée par la pollution autombile, on a reconstruit cette ville n’importe comment. Avec quatre millions d’habitants, il n’y a toujours pas l’eau courante, pas de ramassage d’ordures, et l’électricité vient d’Ouzbékistan, par voie aérienne. Les Afghans ne comprennent pas ce qu’on leur impose. Les enseignants ne sont toujours pas formés, on manque de juges aussi, si bien que dans certains villages, ce sont les islamistes qui jouent ce rôle.
Les Afghans ne voient pas le progrès arriver.
Que pensez-vous de l’action des militaires français en Kapisa et en Surobi, précisément en matière d’actions civilo-militaires ?
Pour le dire franchement, au début je n’y étais pas du tout favorable car je pensais qu’il ne fallait pas confondre ACM et action humanitaire. Je suis allée les observer, en Côte d’Ivoire, au Tchad, puis en Kapisa, en juin 2009, avec Pierre Lellouche, et j’ai changé d’avis. L’important, à mon avis, c’est que cela se fasse de façon programmée, séquencée : d’abord les militaires établissent une zone de sécurité, puis des ACM sont lancées et avec l’appui de la population elles doivent répondre à ses besoins en matière de routes, écoles, bâtiments publics, etc., une fois la stabilisation acquise. Et ensuite, les ONG peuvent travailler efficacement pour finalement passer le relais aux Afghans. En juin, nous avons accompagné quelques camions qui apportaient des pelles, des pioches, du matériel, des semences, de l’engrais… Les militaires sécurisaient la zone, et des ONG ont ainsi pu, avec les Afghans, planter des arbres sur des terrasses creusées dans la montagne. Cela doit se dérouler ainsi pour construire des écoles, des routes. Le but étant évidemment de passer la main aux Afghans eux-mêmes le plus rapidement possible.
Attendez-vous encore quelque chose de la conférence de Londres, le 28 janvier ?
Il va s’y passer des choses importantes. Avec les ONG, on avait beaucoup travaillé pour la conférence de Paris, il y a deux ans, et la montagne avait accouché d’une souris. Dans les 21 milliards de dollars promis sur cinq ans pour le développement de l’Afghanistan, certains pays comptaient même leur contribution militaire ! Mais surtout, le gouvernement afghan n’avait pas joué le jeu. Cette fois il faut une clarification, des engagements clairs, programmés, chiffrés. Et que le gouvernement afghans s’y conforme en toute transparence.
Nos photos : Françoise Hostalier (crédit : assemblée nationale) et une des écoles à ciel ouvert que j'avais visitée, lors d'un reportage en Shamali, en 2005 (crédit JM Tanguy), dans un village bénéficiant des ACM françaises. L'ameublement est spartiate, mais les enfants afghans ont alors foi en leur destin.