jeudi 31 mars 2022

La France malade de son renseignement (suite)

Il est bien rare qu’en Occident, on change des grands chefs en temps de guerre. C’est pourtant ce qui vient de se produire. Le chef de la DRM, le général Eric Vidaud a perdu son poste, et ce qui est encore plus rare, la nouvelle a fuité rapidement, avec des raisons relativement précises, lisibles dans l’Opinion. On y invoque des insuffisances de résultats, un concept souvent difficile à apprécier dans le domaine du renseignement, qui, il faut le rappeler, n’a pas vu arriver ces dernières années des putschs au Mali, des invasions d’Ukraine. 
Et dans le domaine de la libération d’otages, traditionnellement celui de la DGSE, les forces spéciales semblent avoir clairement pris le dessus. 
La DRM est, il faut le rappeler, trentenaire. Comme pour le COS, il s’agissait, au lendemain de la guerre du Golfe, de constater que cela n’avait pas été une grande réussite et éviter que cela n’arrive à nouveau. 
La DRM est le service de renseignement du CEMA, la DRSD, celui de la ministre et on s’interroge parfois pour la DGSE
Les reproches envoyés vers le général Eric Vidaud, qui n’était pas un spécialiste du renseignement, sont étranges. Il a en effet été choisi il y a sept mois alors que c’est son camarade Bertrand Toujouse (numéro 2 de la DRM à l’époque) qui était logiquement prévu et attendu, puisqu'en plus déjà dans les murs. Ce spécialiste reconnu du renseignement, issu du 13e RDP, souvent décrit comme le meilleur de sa génération, avait été écarté alors qu’il faisait en fait déjà l’intérim du général Jean-François Ferlet, parti sur son poste suivant. 
De l’avis convergent de nombreuses sources, la DRM du général Ferlet n’avait déjà pas produit le meilleur d’elle-même. Il est donc particulièrement étrange que, finalement, le choix étrange d’août 2021 soit aujourd’hui confirmé dans les faits. 
Issu des forces spéciales dont il était un pur produit, le général Vidaud n’était pas, lui, un spécialiste du renseignement, même s’il y avait goûté au sein du bureau réservé de Jean-Yves Le Drian, après l’éviction rapide de… Bertrand Toujouse, jugé à l’époque trop performant pour le poste (cela arrive) au cabinet. 
En août dernier, c’est la DGSE qui s’est évitée d’avoir en Bertrand Toujouse un DRM à personnalité et aux idées trop fortes. Son argumentaire avait été manifestement bien entendu par le CNR.
Sept mois plus tard, on connaît désormais le résultat. 
Qui va prendre la suite de la DRM, et tenter de faire oublier cet étrange épisode, en années des 30 ans ? Qui va pouvoir remettre la DRM sur les rails ? Le nom du général Jacques de Montgros est évoqué. Cet ancien GCP, très décoré, ancien chef de corps du 1er RHP, a progressé par la suite dans le renseignement, notamment comme J2 au CPCO, et connaît bien, à ce titre, le général Thierry Burkhard. Il pourrait être une des solutions et son nom revenait d'ailleurs avec insistance à Balard depuis quelques jours. 
Il revient d’une année en Centrafrique, après avoir commandé la 11e BP. Donc assez loin des affaires de renseignement. 
Il lui faudra donc des ressources importantes pour remettre de l’ordre et de la confiance dans la DRM. Donc sans doute, venir aussi irriguer la pépinière avec de nouvelles pousses. Sans pouvoir non plus renverser la table. Les capteurs perdent en acuité, notamment dans l’aérien, et le flot de données reste un défi à traiter. 
Ce coup de semonce donné à la DRM est en fait un signal pour tout le système militaire français, DGSE comprise, qui doit changer de logiciel rapidement (s’il ne l’avait pas déjà compris), face à l’imprévisibilité du monde.

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