A la fin de son premier symposium qui s'est tenu hier soir sur la Seine, le président du réseau
Hippocampe, Vincent Hélin, a formulé deux propositions : un supplément exceptionnel de recettes (SER, rien à voir avoir les radars ou les procédures d'évasion) doit venir alimenter la défense dans les domaines mis en valeur par le combat contre le covid-19, et le minarm doit interdire les matériels militaires les plus vieux (et ca fait un bon paquet).Le premier axe rebondit sur la frustration, pour ne pas dire la déception de l'industrie de défense de ne pas avoir eu sa part dans le plan de relance. L'argument d'une LPM favorable, brandi par le minarm, n'en est pas vraiment un : elle a été construite avant les difficultés liées au covid-19, et notamment, les difficultés d'export (1). En outre, seul Airbus a vraiment été servi dans le miniplan de relance de juin. A ce stade, seul un contrat a été passé, et l'argument d'une relance n'est pas forcément perceptible, puisque vu les délais de livraison de deux des trois A330 civils, l'activité de production sera relativement réduite. C'est plus un achat d'opportunité, et il n'est pas inutile, mais ce n'était pas à inscrire dans un plan de "relance".
Pour Vincent Hélin, le SER doit venir renforcer les programmes dont l'intérêt a aussi été remis en valeur lors de l'épisode du covid-19 : Phénix avec kit Morphée (interro écrite, combien de kits disposent les armées?), porte-hélicoptère amphibie (le plan de relance de 2010 avait payé le 3e), hélicoptères de manoeuvre (c'est vrai que c'est pas la forme), et un deuxième hôpital de campagne, car la aussi, toute duplication de cet objet unique est bien compliquée, seule la morcellisation est possible. L'effet budgétaire du covid-19 est assez difficile à visualiser dans le projet de budget 2021 : le minarm a bien annoncé une hausse d'un des budget du SSA, mais essentiellement, pour ce qui a été évoqué, un simple recomplètement en masques, des achats de vaccins (?) et des antennes chirurgicales... déjà prévues avant le covid-19.
La deuxième proposition est plus audacieuse encore, et évidemment bien plus coûteuse : retirer du service les matériels dont l'âge excède celui de son plus jeune servant. Aujourd'hui, la règle, c'est quand même le double de l'âge pour bien des matériels et parfois pas loin du triple : tankers C-135FR de 1964, Alouette III de Fantomas, mais aussi des Puma cinquantenaires, des VAB quadragénaires, des Avisos A69 (qui indique le millésime), etc, etc. Même si les euros injectés depuis 2017 en plus de la courbe jusqu'alors très modérée des crédits contribue à entamer le renouvellement des moyens. Mais qui avait été insuffisamment traité par les équipes précédentes.
Evidemment, et formulé avec la truculence et la faconde de Vincent Hélin, peut-être que certaines propositions peuvent faire sourire. Pas dans les armées, assurément, particulièrement pour ceux qui utilisent les matériels cités. Les mines graves dans l'assemblée en disaient d'ailleurs long sur le sujet.
Ces deux propositions sont venus conclure un symposium à trois plateaux incarnés par Eurosam, Arquus et Photonis, autour du sujet du jour : "enjeux et perspectives de l'autonomie stratégique". Forcément, avec un composant au coeur de l'autonomie, courtisée par un acheteur américain, Photonis était le témoin idéal. Mais ce sont les militaires qui ont, à mon sens, le mieux posé le débat.
Le n°2 de la DGRIS, le général Luc de Rancourt a rappelé les fondamentaux définis par le président de la République : la dissuasion nucléaire est la clé de voute de l'autonomie stratégique, et la France doit être un acteur de la paix, par le multilatéralisme, qui s'incarne notamment dans l'IEI. Le successeur du général Charles Beaudouin à l'EMAT, le général Charles Palu, a traité des robots et des drones, en rappelant (et on l'oublie souvent) que l'armée de terre était à la pointe depuis "plus de 50 ans" dans ce dernier domaine. Même si la période est actuellement difficile, avec un SDT qui a pris beaucoup de retard, et un SMDR dont la maturité reste à éprouver en opex. Mais les terriens, de l'EVAT au général, vont devoir beaucoup mieux apprendre à gérer des manoeuvres incluant des mules (robotisées) et des drones, pour en tirer le meilleur parti. Dans la haute intensité annoncée par le CEMAT dans sa vision stratégique, assurément des game changers, évidemment, s'il y en a assez pour des opérations dures et longues.
(1) le président d'Arquus, Emmanuel Levacher, n'a pas caché que ce poumon de son chiffre d'affaires serait bien plus faible, cette année. Une société comme Photonis exporte, elle, 94% de son chiffre d'affaires.
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