Sans réservistes, il n'y aurait jamais eu d'EMR-SSA à Mulhouse : c'est peut-être une des rares
dimensions qui manque dans le témoignage exceptionnel de son chef, le professeur Jacques Escarment, qui s'est auto-retiré de sa retraite, comme nombre d'autres, pour aller combattre les effets du covid-19. Un des pères du sauvetage de combat moderne et de la préparation opérationnelle des équipes médicales partant en opex, ancien patron du HIA Desgenettes, il a pris en charge au pied levé l'entité évoquée par le chef des armées, dans son désormais discours du confinement. Et c'est à l'EMR-SSA que le président a réservé un de ses premiers déplacements, en profitant pour lancer l'opération Résilience.
Le médecin général témoigne de ce qu'il a vécu à l'intérieur, dans une audition à l'assemblée, dont j'a extrait les principaux passages. On y apprend par exemple qu'aucun cas de covid-19 n'a été relevé parmi les soignants malgré quelques cas suspects. On mesure aussi que ce sont finalement 27 lits (et non 30) qui ont été ouverts, le 27 mars.
Ce témoignage est précieux, puisque comme bon nombre d'autres fronts de ce combat, la presse a connu des difficultés à l'éclairer. "L’EMR-SSA a été mis en place en sept jours, ce qui constitue une prouesse. Nous nous sommes appuyés sur notre expérience, acquise avec l’élément médical militaire d’intervention rapide (EMMIR), qui a été déployé en particulier à la suite de tremblements de terre au Nicaragua, en Jordanie, au Kurdistan et en Haïti.
"35 personnes vont assurer la phase d’engagement, avec une entrée de théâtre particulièrement difficile physiquement : les premières équipes vont travailler sans relâche, pratiquement sans dormir, dans un milieu confiné, mal éclairé et chaud. La charge mentale était très importante, car l’ambiance autour de nous était dantesque. Il fallait ouvrir au plus vite, dans des conditions sécurisées, pour soigner les malades avec un vrai standard de réanimation, mais aussi préserver nos personnels de tout risque de contamination.
"Au 1er mai, 321 militaires ont participé au pôle EMR-SSA de l’opération Résilience, dont 230 du service de santé des armées, dont toutes les composantes ont été mobilisées – hospitalière, médecine des forces, ravitaillement, recherche, épidémiologie, et 91 de l’armée de Terre. Nous avons adapté nos effectifs en permanence à la situation. Au maximum, 188 personnels ont été présents sur le site de Mulhouse, dont 136 personnels du SSA répartis en équipes équilibrées.
" Entre le 1er mars et le 28 avril, 1 700 patients ont été admis au centre hospitalier Émile-Muller ; 277 personnes ont été en réanimation, dont 47 à l’EMR-SSA, et 20 % ont été transférés en région ou vers l’Allemagne. Nos patients ont représenté une charge de travail de plus de 600 jours d’hospitalisation. Ils étaient plus jeunes qu’attendu – entre 31 et 79 ans –, gravement atteints, nécessitant une durée moyenne d’hospitalisation d’une quinzaine de jours, mais parfois jusqu’à un mois. Tous nos patients ont été transférés, pour la plupart en centre hospitalier, à leur domicile ou en structure de soins de réadaptation ; l’EMR n’en héberge plus aucun.
"Je suis également fier du rôle qu’ont joué les élèves des écoles de santé, employés comme aides-soignants ; ils sont le SSA de demain.
"Je ne cache pas que cette mission s’inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour le service de santé, qui est engagé dans de nombreux combats. Très fortement restructuré et redimensionné, il ne représente que 1 % de la santé publique. Cette mission confirme la nécessité pour le service de santé des armées de disposer de fortes capacités médicales et paramédicales dans l’anesthésie-réanimation. Cette composante doit faire l’objet d’un point particulier d’attention pour demain, car il existe une forte tension sur le territoire national dans cette discipline.
"Le service de santé des armées a confirmé, une fois de plus, toute sa résilience et sa très forte militarité. À notre devise qui est « Votre vie, notre combat », j’ajouterai celle de l’école de santé des armées « Sur mer comme au-delà des mers, pour la patrie et l’humanité, toujours au service des hommes ». L’EMR peut être fier de ce qu’il a accompli. Demain, nous célébrerons le 8 mai 1945, mais nous serons toujours en guerre le 9 mai."
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