Ils sont de plus en plus à le constater dans les armées : le badin pris par l'impact du coronavirus, qu'il
s'agisse de conséquences, de précautions, ou de précautions sur les précautions génère de plus en plus de risques de... désorganisation.
Une fois de plus, les armées ont été appelées à la rescousse pour évacuer et prendre en charge les Français de Wuhan. On le sait, l'Esterel n'est pas le seul acteur aérien Français, et pas le seul qui propose des liaisons aériennes. Tout comme la base d'Istres n'était pas non plus le seul site désigné pour accueillir les ressortissants. Les ministères de l'Intérieur comme de la Santé ont été très en retrait de la gestion des affaires directes. Mais un militaire n'a pas de droit de retrait, évoqué ici ou là. Il est préparé, outillé, imaginatif, ne compte pas ses heures, possède une expertise (du NRBC à Istres et Cazaux par exemple) : bref, c'est l'interlocuteur rêvé dans ce genre de situation de carence, disponible, pas cher (cela rappelle Sentinelle). Alors que pourtant, l'Etat a d'autres capacités en interne, et que les armées ont d'autres destinations, celui de l'ultima ratio, pas du primo ratio.
Le CEMA devait d'ailleurs venir voir de plus près le concours de la base d'Istres à l'évacuation stratégique des blessés, forcément il y aurait eu un couplet sur l'excellence prise en compte du dossier coronavirus... seulement la visite, prévue sous huitaine, a été annulée, sans doute pour des raisons d'ambiance coronavirus (1).
De nombreuses anecdotes montrent à quel point, de précautions en sur-précautions, un coronavirus moins létal que bien des combats a très vite entaillé la résilience des Français, mais par impact très rapide, peut aussi contaminer celle celui de ses représentants. L'élément le plus résilient de la société, les armées, en est donc réduit, plus que jamais, à montrer que lui aussi est capable d'envisager le pire scénario, alors que si des précautions doivent être prises, il ne faut pas non plus les sur-sédimenter. Au risque, bien réel, de paralyser le système. Et de perdre dans leurs convictions les Français qui suivent l'actualité de leurs armées.
En tout état de cause, le coronavirus a déjà bel et bien conforté un début de récession économique native, dans un mouvement accélérateur. On l'oublie souvent (il faut revenir à 2008 pour la dernière grosse alerte), pas de bon budget de la défense, calé sur un ratio du PIB, sans une belle activité économique. Car on ne paie par un programme en pourcentages de PIB, mais dans des euros bien sonnants et trébuchants, les seuls qui intéressent.
Avec la crise financière, les armées avaient dû se serrer la ceinture. Souvent prompts à maudire -souvent avec raison,- la RGPP, les militaires oublient qu'elle était la fille de cette crise financière, et que le gouvernement de l'époque avait dû aussi, comme on dit, gérer la crise.
Que sortira-t-il du coronavirus ? Rien de bon. La belle trajectoire du budget de la défense en sortira-t-il intact ? La BITD va-t-elle tousser ? Manifestement, la question n'est plus de savoir si oui ou non, mais dans quelle proportion.
Mes infops et photos sur le twitter @defense137.
(1) La base d'Istres est une base à vocation nucléaire. A notre connaissance, et pour couper court à des interprétations prématurées, aucun cas de coronavirus n'y a été déclaré.