On voit mal comment la France pourrait en 2020 réduire sa participation à Barkhane, qui dépasse en
fait les 4500 annoncés. Le sommet de Pau devrait accréditer un soutien des cinq pays du G5 Sahel à la politique française, il n'y aura donc pas de réduction (une option qui était sur la table). Dans les faits, une caravane diplomatico-militaire a précédé le sommet de Pau prévu alors en décembre, illustrant clairement ce soutien. Il n'y a guère qu'au Burkina Faso où ce oui franc et massif n'a pas jailli.
Au Niger et au Tchad, l'adhésion est large, comme en Mauritanie, même si, ici ou là, on souhaite évidemment voir toutes les promesses des donateurs du G5 Sahel aboutir.
En face, l'adversaire, manifestement inspiré par la tactique de Boko Haram, n'a aucune forme de complexe, attaquant des concentrations françaises au bivouac (comme pendant Bourgou 4) de nuit, un moment où Barkhane est sensé détenir un avantage technologique (pour autant, rien au bilan le lendemain). Ou en attaquant impunément les bases dans la zones des trois frontières, avec une quasi-garantie de l'emporter. Plus que jamais cet adversaire doit être pris au sérieux car il n'a pas labouré, et de loin, le spectre des modes opératoires et cibles possibles.
L'opération Française génère une facture humaine, mais aussi celle du matériel, et des pertes qu'on oublie souvent de synthétiser. A cet égard, 2019 n'a pas été une bonne année : 17 hommes ont perdu la vie en quatre événements distincts, le pire bilan enregistré depuis 2013 et le déclenchement de l'opération. Trois hélicoptères (au moins) ont été perdus, un Casa a été partiellement incendié et plusieurs dizaines de véhicules ont été endommagés, touchés par les IED ou achevés par l'âge et les mauvais traitements inhérents à la BSS...
Mais tout aussi grave, une bonne partie des moyens modernes déployés sur place connaissent des difficultés de fonctionnement. Et une partie des moyens attendus dès 2019 (SMDR, ALSR, certaines fonctions Reaper par exemple) ne sont toujours pas arrivés.
Des capacités ont été perdues : un Transall à Niamey, la capacité canon et quadribombe du Mirage 2000C.
En contrepartie, Paris a envoyé un niveau sans précédent de matériels nouveaux (notamment Murin, qui a marqué de bons points, treillis ignifugés T3, drones NX70 et Black Hornet) ou rénovés (kit sanitaire sur nouveaux blindés), certaines capacités ont été renforcées. L'idée d'une guerre à l'économie n'est donc pas valide même si des progrès sont encore possibles, dans l'équipement, mais aussi le welfare : à Gossi, le wi-fi ne fait pas partie du quotidien des militaires présents.
A court terme, et dans le rapport de forces du moment, Paris a renforcé ses moyens disponibles dans le Liptako-Gourma. C'est aussi ce qui explique les résultats continus depuis le crash d'In Delimane.
Les premiers résultats obtenus par le Reaper du 1/33 Belfort créént un précédent : il s'agit ici d'une arme autant cinétique que psychologique (cela aurait pu être le cas avec le LRU du 1er RA, en d'autres temps. Cet outil psycho-cinétique dispose d'un avantage : les cibles ne manquent pas, actuellement, dans cette zone.
A moyen terme, un autre système Reaper (un block 5 cette fois) doit rejoindre Niamey dans le courant du premier semestre, permettant à Paris d'augmenter ses options (armé ou non), en doublant ses vecteurs, mais pas significativement le volume d'heures de vol.
Le Reaper illustre en tout cas une batterie de succès : bien que très technologique, il n'est pas frappé, comme nombre de matériels modernes, par un quelconque problème de disponibilité, et General Atomics peut légitimement claironner, sur ses médias sociaux, que l'engin affiche la meilleure disponibilité des moyens aériens actuels. Un état de fait dont Paris devrait largement tirer parti en 2020.
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