Le chef des armées a préféré l'ONU aux Français. Ce sont les représentants réunis pour l'entendre qui
ont eu la primeur des détails d'un raid livré ce matin par la com'élyséenne.
Le communiqué était tombé à 8h02, à peine une heure et demie après la chute de la première bombe : il fallait que cela se sache. Le président a parlé d'un camp d'entraînement visé, mobilisant six aéronefs, dont cinq Rafale. En fait, ce sont sept avions qui ont été employé : cinq chasseurs, un ATL-2, et un tanker C-135FR des forces aériennes stratégiques.
D'où venait ce raid ?
Il peut venir d'à peu près partout pour des Rafale. Rappelons que ce chasseur avait mené un raid de 9h35 en partant de France, au début de Serval, traitant 21 objectifs. Il est donc théoriquement possible que ce raid soit parti de France, mais il aurait fallu pour cela plus qu'un seul tanker. Donc, comme la logique le suggère, ce raid a vraisemblablement quitté ses bases dans la région en fin de nuit, pour frapper de jour.
Comment cet objectif a été choisi ?
L'EMA, comme l'Elysée ce matin, insistent sur le nombre de missions ISR nécessaires pour frapper en Syrie. Il aurait fallu 12 missions. Mais rappelons qu'en août 2013, il n'y avait pas eu la moindre missions ISR pour se préparer aller frapper en Syrie (le raid fut arrêté quatre heures avant le top).
Pas sûr, donc, qu'il faille totalement relier ces sorties ISR au raid de cette nuit.
Un camp...
Ce camp est présenté comme un camp d'entraînement de Daech, au sud de Deir Ez Zor. L'EMA évoque une frappe "délibérée" (en Français, on dit programmée, traduit de l'anglais "deliberate") "sur un "objectif reconnu préalablement". On ne sait pas ce qu'on doit y comprendre : la reconnaissance de l'ATL-2 qui faisait partie du raid (schéma de la première frappe française en Irak il y a un an) ou reconnu par d'autres moyens, comme par exemple du renseignement humain ou satellitaire.
Selon le président, ce camp était identifié : il pouvait "menacer la sécurité de notre pays ou mener des actions terroristes". Une telle déclaration permet de mesurer le niveau d'intuition des services. On pourrait même s'étonner que depuis le temps qu'on le savait (des vols ne permettent pas de comprendre ce qu'il y a à l'intérieur de la tête d'un terroriste), on ne s'y soit pas pris plus tôt pour le frapper...
Quel mode opératoire ?
Les aviateurs sont habitués à gérer des raids complexes comme celui-ci : les aéronefs sont partis de deux bases différentes, vraisemblablement les EAU et la Jordanie. Ces pays ne sont pas cités car les autorités locales auraient interdit à la France de le faire.
Les premières bombes sont tombées à 6h30 heure française, donc il faisait déjà jour sur place. On ne sait pas combien de bombes ont été tirées, par qui (l'ATL-2 peut emporter et tirer jusqu'à quatre bombes). L'EMA évoque un raid de cinq heures. Sans doute pour les Rafale, car un ATL-2 vole moins vite qu'un Rafale (si).
Quelle configuration pour les Rafale et l'ATL-2 ?
Les photos diffusées par l'EMA, pour autant qu'elles retranscrivent les frappes d'aujourd'hui, montrent des Rafale (dont au moins trois biplaces) revenant de vol avec des AASM laser. Certains pylônes étaient manifestement plus remplis à l'aller. Les chasseurs portent trois bidons de 2000 litres, permettant de limiter le nombre de ravitaillements en vol. Au premier ravitaillement, ces appareils portaient chacun six AASM.
Pour ce qui concerne l'ATL-2, l'unique photo diffusée ce soir montre un appareil doté de capacités partielles.
Juste derrière la com', les limites de l'action française
Jusqu'aux munitions employées, le raid est 100% français. Pas, contrairement à la plupart des frappes de l'été en Irak, de drone américain à l'horizon : le ciel devait être clair, symbolique oblige.
Mais les contraintes très fortes de ce théâtre, imposées par les Américains, limitent la capacité d'action française, qui, rappelons, ne possède que sept drones, dont plus de la moitié sont au Sahel. Aujourd'hui, la France serait bien incapable de renforcer son plot d'ATL-2, ou de consacrer beaucoup plus de chasseurs (12) qu'elle ne le fait aujourd'hui.
Les milliards d'euros ajoutés par l'actualisation de la LPM n'y changeront d'ailleurs rien : ils profitent à d'autres urgences.
Trois Rafale biplaces des FAS en échelon refusé : un des images diffusées aujourd'hui pour illustrer le raid français en Syrie. Aucun crédit n'a été livré avec ces photos.
Sauf à partir de Jordanie, les Rafale ne peuvent sur leur carburant interne assurer un aller-retour. Comme pour la plupart des opérations aériennes, c'est le volume de tankers disponibles qui taille le cadencement.
Même si c'est une munition bien plus chère que la GBU-49 (américaine, et qui n'est pas qualifiée sur Rafale Air), la française AASM s'affranchit des différentes contraintes du théâtre irako-syrien.
Des équipages Rafale rentrent de mission. En fond, un C-135. Les uns et l'autre coucheraient donc au même endroit.
Sans ce soutien ISR de la marine, le raid français n'aurait pas intervenir.