Même si personne ne se hasardera à le dire officiellement, l'annonce de la poursuite de l'opération
Sentinelle (à 7.000, c'est donc officiel, et non pas 10.000) est plutôt une mauvaise nouvelle pour l'armée de terre, dont le rythme est durablement cassé. Certains n'hésitent pas à décrire un scénario identique à celui qu'a connu la British Army pendant les opérations en Irak.
Même si la comparaison est sans doute peu adaptée, on comprend néanmoins les réalités de casse durable qu'elle cherche à décrire. Sentinelle a, de fait, déjà boulversé le rythme des relèves en opex, et contribue déjà à entamer la formation continue des militaires, ainsi que leur mise en condition avant projection (MCP).
Or les théâtres vers lesquels ils partent sont particulièrement dangereux.
Une MCP sacrifiée se paiera en efficacité sur le terrain, voire pas de pertes. Ce n'est donc pas un sujet secondaire. Au lieu de se découvrir en camps, les unités d'un GTIA seront intégrées que sur le théâtre d'opération. Alors même que de plus en plus, les GTIA sont formés par des unités provenant de brigades différentes.
Certes, on peut toujours dire que c'est à l'armée de terre d'adapter son rythme à celui impulsé par Sentinelle (difficile à faire). Mais c'est se tromper sur la vocation des forces armées, sauf à abandonner la capacité expéditionnaire de l'armée française.
On peut difficilement croire que la mission Sentinelle va passionner les militaires : l'indemnité de 34 EUR versée aux EVAT est fiscalisée. Contrairement à l'ISSE des opex.
Donc d'un côté, l'absence du foyer coûte -il faut trouver des solutions de garde pour les enfants, etc- et en contrepartie, le militaire engagé dans Sentinelle paiera plus d'impôts.
Or les militaires savent compter, et le sentiment d'être requis plutôt que les forces de l'Intérieur, dont le coût budgétaire est supérieur pour l'Etat développe un sentiment de dévalorisation.
En outre, les risques sont potentiellement aussi importants en Sentinelle qu'en opex : les militaires sont des cibles en France, là où ils sont en statique.
De son côté, la hiérarchie militaire et le ministre cherchent à valoriser Sentinelle, symbole pour eux de l'exemplarité de la Défense vis-à-vis des Français. Jean-Yves Le Drian a ainsi rappelé à Hyères la semaine dernière que Sentinelle était bien une "opération", décorant d'ailleurs deux militaires du 54e RA. Le CEMA, lui, a demandé à ce que le confort des unités Sentinelle soit amélioré.