Quelle que soit l'issue réelle de l'enquête qui suivra la mort de 298 occupants du Boeing 777 de Malaysian
Airlines (1), les deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) que la France s'apprête à livrer à la Russie poseront un gros problème d'explication.
On l'a vu hier en Ukraine, des systèmes modernes maniés par des gens pas très démocrates finissent toujours par servir, et jamais à bon escient. Avoir suffisamment de morgue pour tirer un avion civil, protégé par les conventions internationales, ne présage rien de bon pour la suite dans cette partie de l'Europe, à seulement trois heures de vol de Paris. Quelle que soit l'identité de celui qui a tiré.
Certes, on pourra toujours rétorquer que les BPC ne sont que des coques vides, sans armes à bord. Mais ils permettent une permanence sur les mers, et un effet de surprise que la marine russe est bien en peine de produire pour l'instant. C'est bien pour cela qu'elle a acheté ces BPC, très efficaces, en France.
La même France aura du mal à justifier qu'il ne s'agit que d'un accord entre industriels français et russes, sa position jusqu'à maintenant. On sait bien en France que c'est l'Etat qui organise les ventes d'armes.
Depuis hier, il y a 298 bonnes raisons, pour ceux qui avaient du mal à en trouver, pour ne pas envoyer de matériel militaire dans cette zone.
Avant même que la France ne vende effectivement ces bateaux, la Georgie (première concernée), mais aussi les Etats-Unis et plus largement l'OTAN, que la France venait de réintégrer pleinement, avaient bien fait remarquer le caractère dangereux de cette vente d'armes pour la sécurité en Europe.
Evidemment, ces BPC ne vont pas venir équiper la marine des irréguliers ukrainiens, mais la marine russe.
Mais il faudrait être bête pour croire que nos alliés néerlandais au Mali, qui viennent de perdre plusieurs dizaines de leurs concitoyens au-dessus de l'Ukraine, vont trouver ces livraisons raisonnables. L'émotion ne fait pas bon mariage avec la raison.
Et les Américains, qui ont fait savoir leur mécontentement, vont évidemment en rajouter une louche. Et se montrer bien plus menaçants envers nous qu'ils ne l'ont déjà été.
(1) pour autant qu'elle aboutisse vite (cf l'enquête sur le crahs du Falcon 900 du président rwandais, en 1994), alors que le crash est intervenu en zone de guerre.