Paris porte à 2000 le nombre officiel de militaires en Centrafrique, et ce n'est pas fini. 400 militaires, dont
certains déjà sur place, intègrent Sangaris : parmi eux une cinquantaine de gendarmes, un recours contre lequel l'armée de Terre luttait depuis le début de l'opération, mais leur apport était évident. Encore hier, le porte-parole de l'EMA niait l'existence de tout renforcement. Ce n'est pourtant pas à l'issue du conseil de Défense d'aujourd'hui que ces renforts ont été décidés et pour certains, envoyés sur place.
Pourtant, c'était déjà un secret de polichinelle : la France employait bien plus que les 1600 militaires annoncés pour Sangaris, l'effectif tutoyant déjà les 2000. Mais la France s'est résignée à dépasser ce niveau avec ces 400 militaires supplémentaires. C'est à la fois dû à une sous-estimation des difficultés initiales, et une dégradation de la situation, par paliers, depuis que les Français sont arrivés (un paradoxe).
1) La France est arrivée trop tard en Centrafrique. Elle pouvait pourtant agir plus efficacement dès les premiers problèmes (décembre 2012), ou encore quand la Séléka a pris Bangui (au printemps). Dans l'histoire du pays, la France n'avait jamais pris de pincettes déposant un président-dictateur (1990), remettant de l'ordre dans Bangui (1997), ou en assistant l'armée locale contre des insurgés (2006, 2007) dans la zone des trois frontières. Depuis décembre dernier, la France s'est contentée de s'assurer de ses quelques centaines de ressortissants (ils ne seraient que 400) et d'intérêts particuliers, comme le centre de l'institut Pasteur. Tout en se préservant, en tenant l'aéroport, des capacités de réaction.
Aucune opération d'ampleur n'a été menée depuis décembre, pour trois raisons. Paris voulait l'onction de l'ONU, et ses dollars pour régler la facture. Paris voulait associer les Africains, et aucune fausse note, pour le sommet de décembre 2013 à Paris. Et Paris n'avait pas, en fait, l'a capacité à mener deux opérations d'ampleur, dont une au Mali qui lui consommait déjà 4500 militaires, dont des ressources comptées, en matière de forces spéciales, de transport aérien, de renseignement, d'aéromobilité, de médecine tactique, etc. Pour le dire clairement, la France n'avait pas les moyens de mener deux grosses opérations simultanées, qu'elle ne voulait pas assumer politiquement de toute façon.
2) A Paris, de toute façon, Sangaris semblait facile pour bien des décideurs qui ne soupçonnaient pas la difficulté d'opérations de désarmement (1) et de reconquête du terrain laissé aux milices de tous bord. Il faut rappeler le fort optimisme qui régnait alors : à Paris, on promettait une opération courte, qui ne dépasserait pas six mois, c'était promis, cette promesse ne sera pas tenue. Ce blog a, lui, émis, dès le mois de décembre, de très grosses réserves. Rapidement, les premières difficultés apparaissent, et les premiers renforts aussi. Une fois atteint un plafond officiel de 1600 (et vite dépassé), les refrains de promesses reprennent, on n'ira pas au-delà.
Mais le ministre de la défense le reconnaît en janvier (quand d'autres renforts arrivent...), des renforts peuvent être envisagés une fois que les troupes africaines seront toutes arrivées en Centrafrique, début février. Certes, elles seraient donc 6.000, mais cet apport ne permet pas d'empêcher les exactions, puisque ces troupes africaines restent, pour l'essentiel cantonnées à Bangui. Un choix, et un... choix dicté par l'absence de moyens de mobilité. Pendant ce temps, les exactions continuent : toutes les semaines, l'armée française doit donc se déployer en province suite à une alerte de ce type.
3) Des renforts, il y a en aura, donc. Essentiellement des troupes au sol, pour pouvoir mieux quadriller le pays. Déjà, dans le cadre des relèves normales, au moins 400 chasseurs alpins (13e BCA, qui part avec une compagnie de plus) doivent rejoindre le pays. Dans la foulée, autant de chasseurs du 16e BC les rejoindront.
Ils trouveront sur place des marsouins du 2e RIMa (2e compagnie), les paras du 1er RCP, du 3e RPIMa, du 1er RHP et du 8e RPIMa (2). Pour les renforts, la France doit puiser dans son Guépard (3), et vraisemblablement, son Guépard Para. Actuellement, c'est le 2e REP qui fournit (4).
A peine arrivé à son poste, le nouveau CEMA doit donc prendre à bras-le-corps un théâtre de plus en plus volatile, tandis que Serval reste ardent. Des préoccupation à cent lieues de celles des Français, qui comprennent de moins en moins ces opérations africaines. Avec ou sans exactions.
(1) Il faut le reconnaître, celle-ci se sont par miracle bien passées. Les deux seuls morts français sont intervenus dans une embuscade, qui n'était pas directement lié aux opérations de désarmement.
(2) Une partie des éléments du 8e RPIMa, avec le chef de corps, devait rentrer en France dans quelques jours, à l'issue du mandat prévu, initialement dans le cadre de l'opération Boali.
(3) La totalité du 6e BIMa étant déjà déployée.
(4) Le 2e REP est déjà intervenu en RCA à plusieurs reprises, notamment en 1996-1997 avec son chef de corps (Benoît Puga) et en 2012-2013 (la compagnie tournante du 6e BIMa).