Elle a déjà tout d'une grande... opération ! Sangaris, présentée il y a encore peu comme une opération
lambda en Afrique a pris du badin en quelques heures seulement. Il est vrai que les bilans de morts, rien qu'à Bangui (estimés à près de 300 en 48 heures seulement) ont de quoi faire réfléchir. Tout comme l'armement des coupeurs de route et des milices. Rien que de très normal pour ce pays du centre de l'Afrique abonné aux interventions de l'armée française, c'est donc peut-être qu'il y a un problème de fond...
Ce blog avait intimé à la prudence ces dernières semaines, et à ne rien sous-estimer : les faits lui donnent raison, et en quelques heures seulement.
Les Rafale ont été convoqués au-dessus de Bangui vendredi matin, et la conviction est désormais faite que les 1.200 militaires prévus à l'origine ne suffiront pas à remplir les objectifs fixés par l'ONU. Il va notamment falloir renforcer les moyens médicaux : le dispositif médical français en Jordanie avait précisément été démonté pour pouvoir permettre un échelon médical minimum en Centrafrique. Il va falloir en fait sortir le grand jeu.
Deux possibilités : la France reconnaît cet état de fait, et officialise son changement de braquet, vers les 1.800 soldats qui semblent s'imposer comme le format adapté à la situation (1). Soit, comme elle l'a déjà fait en Afghanistan et au Mali, elle évite de communiquer la vérité des chiffres, au risque d'être démentie par les faits. La communication opérationnelle a plutôt mal débuté sur Sangaris, le porte-parole de l'EMA ayant clairement occulté la mission réelle du BPC qui a amené 350 soldats et 100 véhicules au Cameroun, niant farouchement le moindre rapport avec la situation en Centrafrique.
Mais on sait très bien qui part pour la Centrafrique, et un journaliste peut sans difficulté additionner les capacités qui s'empilent à Bangui, au Tchad, au Gabon. Qu'il soit à Paris ou à Bangui. Hier, c'est la 3e compagnie du 1er RCP qui s'est envolée pour l'Afrique. D'autres suivront, du 3e RPIMa, du 2e REP, car la situation sur place l'exige.
De même, le niveau de matériel sur place va vite être trop juste, pour motoriser ces militaires. Seule une centaine de véhicules, une poignée d'hélicoptères de l'armée de terre et de l'air, sont venus s'ajouter au dispositif natif de l'opération Boali.
C'est trop peu, tout le monde le sait et très vite, les journalistes présents sur place (2) vont s'en rendre compte eux-mêmes. Mais personne ne veut payer pour mettre plus : à l'heure où les Français sont sollicités au portefeuille, les nécessités tactiques de l'opération Sangaris devront composer avec les difficultés budgétaires de la France. Paradoxe : ceux qui dénoncent les retards à l'allumage de Sangaris seront aussi sans doute... ceux qui ne veulent pas consacrer plus d'euros à la défense ! Voire y consacrer encore moins de milliards.
(1) rappelons cette évidence : les missions de sécurisation consomment un grand nombre d'hommes, et que quand on affiche un dispositif de 1.200 hommes, à peine plus de la moitié sont des opérateurs en mesure de patrouiller, les autres sont affectés au PC, à la logistique, aux gardes statiques, etc. Et la RCA représente une fois et demie la France.
(2) bis répétita : comme le 16 janvier 2013 pour Serval, Quai d'Orsay et ministère de la Défense ont hier mis en garde les journalistes contre les dangers des reportages en zone de guerre (rappelés par la mort de deux collègues de RFI au Mali). Leur communiqué commun, évènement particulièrement rare pour être souligné ici, met en garde contre les dangers représentés par les coupeurs de route, les miliciens, mais aussi la situation sanitaire et humanitaire de la Centrafrique.
. Mon interview sur LCI samedi dernier peut être visionnée ici.
. Celle de ce matin est déjà en ligne.
. Sur ce lien, on peut visualiser mon interview sur BFMTV.