C'est très rare de pouvoir dire, avec autant de certitude, que l'année qui n'a pas encore commencée sera très difficile. Elle le sera parce que les choix du Livre Blanc puis de la loi de programmation militaire seront déchirants et laisseront des capacités et des militaires sur le bord de la route. Même si on tentera évidemment d'en faire le plus beau emballage possible, la réalité est là.
Même si le livre blanc va glisser un peu par rapport à son calendrier initial (1), il ne devrait pas sortir de grandes révélations de ce texte court. A court de ressources, et encore plus depuis que la récession s'installe, le budget de la défense va donc devoir faire des choix déchirants, repoussés depuis quatre ministres de la défense (2). L'actuel titulaire du poste aura donc la responsabilité ingrate de les faire à leur place, et de gérer la désormais fameuse bosse des programmes. Le CEMA a rappelé ces évidences dans l'Express, rappel qui a failli lui coûter son poste, comme, en son temps, à l'amiral Forissier. Le parler-vrai, chez les chefs... ou dans la presse a parfois un prix.
La réforme de l'administration des soutiens -pourtant incontournable- n'a pas toujours brillé par ses résultats. Louvois en est la plus symptomatique, mais plus la seule. On sait que désormais, grâce à des réformes mal maîtrisées, des militaires ont fait des opex en Amérique du Sud, derrière le rideau de fer (3) : c'est donc encore l'informatique qui bafouille. Tout en sachant qu'évidemment, l'homme est avant tout responsable de ces dérives de l'outil informatique. De quoi inquiéter le suivi des vétérans qui ont laissé un bout de leur âme et/ou de leurs corps sur les théâtres, ces dernières années...
Sur les fronts actuels, on sait que rien n'est réglé. Certes les flux logistiques sont bien avancés en Afghanistan, et c'est une réelle victoire des logisticiens, car ce n'était pas gagné d'avance. On pourra toujours s'interroger sur l'absence totale d'actions des insurgés sur les convois en Kapisa. Mais l'ouverture des archives, dans des dizaines d'années, livrera peut-être l'explication de ce miracle. Qui n'enlève évidemment aucun mérite à ceux qui étaient chargés de les protéger et de les faire rouler. Ou de ceux qui ont donné leur vie pour rétablir, à l'été 2012, la bulle autour de la MSR (4).
Le Moyen-Orient reste très fragile. Les stocks d'armes de destruction massive -ce n'est plus la blague de 2003 cette fois-ci- sur lesquels la famille régnant en Syrie est assise pose problème. Et sans ignorer les talents des unités chargées de s'en assurer en cas de souci...
L'Afrique reste toujours l'Afrique, on le voit bien en RCA. Mais on ne peut pas s'en étonner, au Sahel. Les signes se sont accumulés, au fil des années, sans que la communauté internationale, toute engagée en Afghanistan, ne s'en inquiète. La France, de peur d'être taxée de revenir à la Françafrique, a préféré temporiser, et en rester à de l'action peu visible, à base de forces spéciales. Mais cet outil performant n'a pas été utilisé systématiquement quand la situation le permettait. Y compris très récemment. Le résultat est là : le compte des otages est à son maximum, et il devient quasi-impossible de les libérer tous simultanément. Alors que l'action, elle, est désormais lancée, au Nord-Mali. La France, avec quelques européens seulement -pas encore une grande victoire de l'Euope de la Défense- va former des militaires maliens et assurer le soutien des troupes de la CDEAO pour reprendre le territoire gagné facilement, cette année par les insurgés.
Il est difficile de croire qu'AQMI va rester sans réaction, par delà le front médiatique, que cette nébuleuse a déjà très bien colonisée.
AQMI est le descendant du GSPC (et avant lui, du GIA), et ses relais en France sont réels, comme la DST et les RG, puis la DCRI s'en sont régulièrement préoccupés. Autant l'insurgé afghan n'avaient aucune capacité à toucher des intérêts civils dans sa zone, autant la capacité de nuisance d'AQMI sur les ressortissants et les intérêts français en Afrique sont évidents. Sans exclure, évidemment, que ce groupe ne s'enhardisse même à frapper en France même.
Bonne année 2013.
(1) des auditions sont encore prévues fin janvier, ce qui rend très difficile un rendu courant février.
(2) parmi les très nombreux exemples, MAM avait autorisé dans ses derniers jours le lancement de réalisation du programme MRTT qui n'a toujours pas été notifié. Il devrait l'être en 2013, soit six ans plus tard.
(3) c'est ce qu'indiquent en tout cas leurs relevés de pensions...
(4) comme je l'explique dans le dernier RAIDS, jusqu'au printemps 2012, les sorties étaient lmitées en Kapisa, et les FOB, principalement celles de Tagab, subissaient le feu ennemi.