L'amphi Foch de l'école militaire était plein hier, travées comprises, pour découvrir le documentaire que la jeune historienne Virginie Linhart consacre à un sujet qui n'est pas neuf, mais qui n'avait pas encore été traité en images. Les Alliés savaient que les Nazis massacraient en masse des juifs européens, mais ils n'ont rien fait.
Prise d'émotion par son sujet, la réalisatrice lit un texte bref devant des enfants de déportés, des petits-enfants de déportés, des déportés. Simone Veil est là.
Le documentaire commence sur la découverte des camps en avril 1945, le 24, à Bergen-Belsen. Puis c'est le flashback sur le discours d'Hitler au Reichstag, évoquant le 30 janvier... 1939 l'extermination des juifs en Europe. 13 millions de juifs habitent en Europe, rappellent la voix off.
Sur les brisées de Barabarosa, 3.000 Einsatgruppen commencent l'extermination systématique des juifs à l'Est. 30.000 juifs sont exterminés à Kiev : on leur a demandé par affichage de venir à un point de regroupement le 21 août, les Einsatgruppen ont fait le reste.
Dans la Pologne d'alors, déjà habitée par des relents d'antisémitisme, des hommes se lèvent. Le résistant Yan Karski -qui n'est pas juif- est envoyé à Londres témoigner de ce qu'il a vu dans le ghetto de Varsovie. Mais Anthony Eden, qui le reçoit, bloque un rendez-vous à Churchill. Bien plus tard, Karski rencontrera ce qu'il a vu à Roosevelt. Sans plus d'effet.
Les premiers articles de presse sur l'extermination des juifs sont pourtant parus très tôt : le 25 juin 1942, le Daily Telegraph de Londres l'explique en toutes lettres : 700.000 juifs tués en Pologne.
Aux Etats-Unis, la communauté juive donne même des fonds pour équiper l'armée rouge ! Mais on le sait, cela ne sauvera pas les juifs du ghetto de Varsovie. Ni ceux de Hongrie. Déportés en masse. Ceux de Roumanie, que les SS cherchent à commercialiser, n'ont pas "trouvé preneur".
La France sait, très tôt aussi quel traitement est réservé aux juifs. Un original du BCRA, en date du 1er août 1942 est projeté à l'écran : il évoque la livraison aux Allemands de 10.000 juifs capturés en zone non occupée.
Très officiellement, les 11 pays alliés condamnent publiquement l'extermination des juifs d'Europe le 17 décembre... 1942. A cette date, on estime que 2.600.000 juifs sont déjà morts.
Personne ne voudra endosser le risque que des bombardements sur Auschwitz puissent tuer des juifs : les alliés savent déjà précisément ce qui s'y passe. Auschwitz ne sera jamais inquiété : les plus proches bombes tomberont à 8 km de là, sur d'autres objectifs.
Le quota de visas, pour accueillir des réfugiés juifs aux Etats-Unis ou en Palestine ne sera jamais atteint.
Toutes ces réalités, assénées par la voix de Jeanne Balibar sont incompréhensibles, 70 ans après.
Ce travail de mémoire utile sera diffusé, une fois n'est pas coutume, très tard (23h10), le 29 octobre, sur France 3.
Il mériterait d'être plus largement diffusé dans les écoles, et là où sont formés tous ceux qui seront appelés, un jour, à tenir une fonction publique.