Un commandant de l'armée de l'air s'est vu notifier sa mise en examen, aujourd'hui, dans le cadre d'une enquête judiciaire liée à la mort de deux pilotes de chasse de 3.33 Lorraine, le 10 mars 2003, sur la base aérienne 112 de Reims (1). Les lieutenants Guillaume Coeffin et Michel Vernat, des pilotes expérimentés (voir leur biographie en fin de post), étaient morts des suites de la collision de leurs deux appareils, lors d'une figure en patrouille serrée de leur élément de présentation, Voltige Victor (2).
Il était 9h20, leur entraînement venait de commencer depuis cinq minutes quand l'accident était arrivé. Le LTN Vernat avait réussi à s'éjecter, sans pouvoir malheureusement survivre à son éjection, effectuée à très basse altitude. Le Mirage F1, avion conçu dans les années soixante-dix, ne disposait pas d'un siège éjectable de dernière génération.
Quelques rappels ne sont pas inutiles, dès que justice et armée s'entremêlent.
La mise en examen, d'abord, ne vaut pas culpabilité. C'est une phase préalable, la justice doit trancher, ensuite, dans le cadre d'un procès. Les premiers éléments connus aujourd'hui laissent entendre que d'autres officiers doivent être entendus dans cette affaire.
Trois enquêtes sont toujours ouvertes après un accident aérien : une, technique, est menée par le BEA-D Air, et vise à comprendre l'enchaînement de causes -l'entrelacement le plus souvent- qui ont mené à la situation étudiée. Le BEA-D Air produit également des rapports d'enquête, en principe publics et publiés sur internet, ce qui n'est donc plus le cas, comme ce blog l'avait signalé, en 2010. Le BEA-D Air est rattaché directement à l'inspection générales des armées, elle-même rapportant au ministre. Son travail essentiel est de comprendre, et de concourir à une meilleure sécurité des vols.
L'enquête de commandement est menée par l'inspection de l'armée de l'air. Elle vise à s'assurer que tout a été mené selon les règles (qualifications à jour, respect des normes d'exploitation, etc), sans se limiter au seul pilote : tout est étudié, de la tour de contrôle à l'entretien. Dans le cas de l'accident du 10 mars, on n'a pas eu connaissance de suites de l'enquête de commandement. Dans le cas d'une transgression qui avait mené à sept morts au pic du Pioulou, également en 2003, trois officiers de haut rang avait récolté des sanctions et avaient été mutés, après le crash d'un Casa 235 du 1.62 Vercors.
La troisième enquête est judiciaire, et menée par la justice -en général un procureur militaire-, souvent en lien avec la section judiciaire de la gendarmerie de l'air (3). Ces trois enquêtes sont indépendantes l'une de l'autre et avancent chacune à leur rythme. L'enquête de commandement est en général la plus rapide.
Mais, et c'est le droit des familles, une plainte (ou un recours), peut être déposée pour obtenir informations, réparations, condamnations.
Voici, enfin, pour conclure cet éclairage, les éléments biographiques que je livrais dans France Soir, le lendemain de l'accident, sur les deux pilotes, âgés de 32 ans tous les deux. Le LTN Coeffin, était leader de la patrouille et cumulait 2.140 heures de vol (dont 1.300 rien que sur Mirage F1), 2.062 pour son ailier.
Le LTN Coeffin avait été affecté à Reims comme pilote de reconnaissance sur Mirage F1CR (1994-1996), puis comme moniteur à Cognac (1996-1998) sur Epsilon avant de revenir à la BA 112, comme instructeur à l’escadron de chasse 3.33 « Lorraine ». C’était sa deuxième année de présentation : il était devenu leader après une année comme ailier. A son actif, 59 missions de guerre en Bosnie et au Tchad.
Le LTN Michel « Mitch » Vernat avait lui aussi servi au Tchad, y réalisant 55 missions. Lui aussi était expérimenté sur Mirage F1, avec 1.000 heures de vol. Il avait commencé sa formation de Voltige Victor le 13 février, un mois après celle de son leader.
Tous les deux étaient mariés et étaient pères de famille.
(1) cette année-là, le BEA-D Air enquêtera sur 13 accidents mortels et 14 accidents aériens graves, comme je le signale, à l'époque, dans une série d'articles, dans France Soir, le 10 mars 2004. Huit appareils de l'armée de l'air s'étaient écrasés, faisant 12 morts, tandis que l'ensemble de la flotte étatique perdait 11 appareils et 17 navigants. L'attrition de la flotte étatique couverte par le bureau oscillant entre 0,2 et 0,25, au lieu de 0,1 en temps normal.
(2) cet accident scellera le sort de la patrouille, qui n'a pas été poursuivie. Une autre patrouille Bravo, sur Jaguar (Raffin Mike) a également disparu. Seul subsiste, aujourd'hui, la présentation Alpha, à un appareil.
(3) présentée dans Police pro n°16 (juillet 2009).