Dans un communiqué transmis ce matin à l'AFP et repris par plusieurs médias, un Afghan qui se présente comme un porte-parole des talibans qui détiendraient les deux journalistes de France 3 vitupère contre le gouvernement français.
Zabihullah Mujahid énonce une forme d'évidence, en expliquant que les otages seraient déjà libres si la France avait accepté les conditions de son groupe. On sait cependant que celles-ci sont devenues de plus en plus impossibles à satisfaire, puisqu'aux demandes d'argent sont venues se superposer des revendications politiques de plus en plus nettes.
Les rapts crapuleux sont légion en Afghanistan. Ce modèle aurait été sans doute relativement plus simple à régler. Même si la multiplication d'intermédiaires, et la difficulté d'entretenir les contacts n'arrangent -sans doute- rien.
De rapt crapuleux, sans doute opportuniste -les journalistes ont choisi leur village "d'interview" au dernier moment, avant de s'y faire capturer-, la détention est désormais l'objet d'une forte connotation politique, ce qui n'est pas un très bon signe.
Le registre et les arguments du porte-parole sont assez classiques, visant à faire culpabiliser les différents acteurs du dossier. Et reposent vraisemblablement sur l'observation des dernières manifestations de soutien aux deux journalistes, tout en exploitant les maladresses entourant cette affaire, et le ressenti des familles des deux otages.
On aura beau envoyer du "fret", rien n'y fera donc, désormais. Américains et Afghans ne vont pas accepter la libération des détenus demandée par les ravisseurs. Et la France n'est pas partie pour quitter rapidement l'Afghanistan.
Bref, c'est un nouveau chapitre particulièrement difficile qui s'ouvre, pour les deux otages.
On peut cependant certifier qu'ils ne sont en rien des "espions" comme le porte-parole insurgé les décrit. D'abord parce que la France, avec un millier d'hommes en Kapisa, n'a pas besoin d'exposer un binôme sans armes dans une zone pourrie pour collecter le ressenti des autochtones, travail qui peut être fait bien plus efficacement autrement.
Se fondant sans doute sur quelques cas plus ou moins connus (1), les talibans font l'amalgame. On peut cependant les rassurer : les espions n'ont pas de temps à perdre avec un embed (2) avec les forces françaises, ce que faisaient Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier avant de se faire capturer.
(1) les deux agents de la DGSE kidnappés en Somalie le 14 juillet 2009 s'étaient présentés à leur hôtel comme des journalistes.
(2) d'ailleurs stérile pour les deux parties, c'est dire...