Plusieurs d'entre vous m'ont transmis leur ire vis-à-vis du faible écho qu'a constitué, dans les médias nationaux, la mort de deux soldats, en fin de semaine.
Cela a profondément ému, d'autant plus que l'on remarque que cette sous-évocation concerne les mass media les plus écoutés.
Cette situation peut sembler d'autant plus incompréhensible que désormais, les services de communication de l'armée transmettent les biographies et photos des morts assez rapidement, une fois les familles informées de la perte de leur proche.
Dans le cas du capitaine Dupin (2e REG), cette information a été transmise à 20h56, c'est donc trop tard pour le 20 heures de ce vendredi soir. Et traditionnellement, les médias ne reviennent pas le lendemain dans l'actualité de la veille (1).
Dans le cas du SM Lefort, la nouvelle était connue dès 16 heures, et à 17h37, la marine mettait en ligne biographie et photo du commando marine en ligne sur son site. Donc suffisamment pour les journaux du samedi soir. L'ECPAD avait même proposé à la presse des images infrarouges d'archives : prises par un drone, elles montraient une opération de forces spéciales, comme celle dans laquelle a péri le commando de Trépel. Une "pépite", donc, mais pas employée.
Les morts des forces spéciales en Afghanistan, entre 2004 et 2006, sont intervenues dans le silence médiatique quasi-total : à l'époque, c'est le ministère qui avait fait ce choix. Des familles en ont souffert, et en souffrent encore aujourd'hui.
On le sait, en ce mois de décembre 2010, le choix rédactionnel s'est finalement plutôt concentré, sur la neige. L'Afghanistan est sans doute jugé trop anxiogène pour le téléspectateur qui se prépare à fêter Noël.
Malgré la réouverture de la Kapisa à la presse (début décembre), peu de journalistes s'y sont pressé. Alors que depuis janvier, pourtant, on entendait des plaintes de confrères expliquant que c'était une entrave, etc.
Les visites de fin d'année draîneront des journalistes, c'est certain : c'est un de leurs mérites, tout en permettant aux autorités de rencontrer, souvent sans filtre, les combattants de première ligne.
D'autres journalistes, déjà, ont prévu de faire du fond, de passer du temps : saluons leur investissement (2). Les balles qui tuent les soldats peuvent aussi tuer des journalistes, c'est pareil pour les IED.
La neige qui passionne plus que la mort de deux soldats ? Tirez-vos conclusions.
(1) dans le métier on dit : "une actu chasse l'autre".
(2) et évitons donc, ainsi, les généralisations faciles sur les journalistes.
NB : vraisemblablement par souci de précision, le Sirpa Terre me fait remarquer ce soir que M6 et France 2 -qui n'étaient pas évoqués dans ce post- ont dès le vendredi soir diffusé la "photo et quelques mots" sur le capitaine Dupin, respectivement à 19h53 (soit... 8 minutes après le début du "6 minutes") et 20h09 (donc neuf minutes après le début). Ces quelques mots ne constituent, cependant, qu'un insert, et pas un "sujet", au sens où nous l'entendons, dans notre métier.
TF1 a choisi d'attendre le... lendemain pour évoquer ensemble les deux soldats morts dans les 24 heures, diffusant son sujet à 20h18 si l'on en croit la chronologie que m'a fournie l'armée de terre. C'est donc... 18 minutes après le début du "20 heures". Dans le journalisme, et particulièrement les journaux télévisés, existe une hiérarchie de l'information. Là encore, je vous laisse tirer vos conclusions.