L'exposé, sur le site internet de l'EMA, des faits qui ont conduit à la mort du SM Jonathan Lefort contient quelques précisions nouvelles, traduisant une communication désormais décomplexée, même si elle reste, par principe, prudente.
D'abord ce récit reconnaît l'évidence : pour la première fois, l'engagement de forces spéciales en Afghanistan est officiellement évoqué, même si, tradition oblige, il n'est ni détaillé, ni quantifié. Et pas plus localisé dans l'AOR de la brigade La Fayette. Dès les jours qui avaient suivi l'enlèvement de deux journalistes de France 3, le 30 décembre 2009, un fort parti de forces spéciales avait rallié l'Afghanistan. Son volume a fortement varié, au cours des mois, son missionnement aussi. Les forces spéciales représentent une sorte de couteau suisse particulièrement utile, vu le nombre de situations tactiques à gérer en Afghanistan, et le fait que les moyens (budgétaires) sont taillés au plus près. Ils constituent par ailleurs une alternative puissante dans la gestion des opérations.
Leur emploi aura vraisemblablement permis d'épargner de nombreuses vies. Françaises, mais aussi afghanes.
Depuis des années, les patrons de GTIA reconnaissaient les limitations de leurs outils, pour lutter contre le terrorisme, un métier typiquement dans le spectre des forces spéciales. Les contributeurs majeurs de la coalition l'avaient bien perçu, en déployant, depuis belle lurette, leurs propres forces spéciales. Le général Georgelin était farouchement contre, opposition qui se doublait de relations particulièrement difficiles avec le GCOS d'alors. La conjonction des astres, avec un CEMA plus pragmatique, et un GCOS issu de l'interarmées, a permis une remise en selle des forces spéciales. Ces dernières s'avérant particulièrement adaptées à la "nouvelle" donne afghane : situations tactiques particulières, nécessité politique de réduire la facture afghane -budgétairement et en vie humaines-
Les FS déploient, c'est connu, un matériel particulier, mais de moins en moins spécifique, du fait du processus d'adaptation réactive engagé avec l'Afghanistan. Qui fait du chef de section d'infanterie un homme déjà bien équipé en moyen de feux (VAB TOP 12,7 et LGA 40 mm le cas échéant) et de vision de nuit.
Des matériels jusqu'alors réservés aux FS sont désormais aussi utilisés par les sections d'infanterie : fusil de précision HK417, mitraillleuses Minimi 7,62mm. Les forces conventionnelles ont aussi, sans toujours le savoir, profité des retex de l'engagement Ares, notamment en matière de médecine de l'avant (mise au point de la trousse individuelle du combattants, nouveaux matériels pour les équipes médicales).
On le sait aussi, les FS ont une aptitude particulière à la maîtrise de la violence, à la furtivité et à la réversibilité. Leurs modes d'infiltration sont aussi adaptés à bien des situations.
Leur niveau d'aguerrissement et de foudroyance permettant, par ailleurs, un niveau de résultat supérieur. 20 insurgés sont d'ailleurs restés sur le tapis, en vallée de Bedraou, avec le concours des moyens aériens français et américains. En pleine nuit.
Là aussi, une variation de la communication opérationnelle, qui évitait, jusqu'à maintenant, d'évoquer la réalité des bilans des combats.