"Un militaire qui ne fait pas la guerre est un jean-foutre". Avec son franc-parler gascon, Robert Moulié (1) nous interpelle, dans un livre écrit à quatre mains avec son fils, Pierre Moulié, qui fut para colo comme lui. A l'inverse de bien des livres, celui-ci fait une large part à la captivité, celle que Robert Dreyffus subit dans un OFLAG, avant de s'en évader, avec un bras cassé, le 22 juin 1941, en utilisant les conduites du système de chauffage. A peine le temps de rejoindre son épouse, qui mourra tragiquement, quelques mois plus tard, en mettant au monde son fils unique. Ses notes de l'époque nous permettent aussi de mesurer l'ambiance de la France de l'époque, un tableau impressionniste dans laquelle la mère patronesse qui refuse de nourrir un prisonnier évadé, en faisant la fête aux prisonniers rapatriés, cotoie le gendarme qui prend le risque d'accueillir dans sa famille le même prisonnier évadé.
Dans Des SAS au 1er RPIMa, on trouve aussi des tranches de vie d'un SAS d'adoption -au 2e RCP- qui blessé quelques semaines plus tôt comme agent du BCRA, saute sur la Hollande, dans le cadre de l'opération Amherst.
Robert Moulié, qui y commandera le 7e BPC, ira trois fois en Indochine, la troisième pour retrouver la trace de son frère Jacques, lui aussi para, un des premiers et un des derniers à sauter sur Dien Bien Phu.
Il aura aussi vu la Malaisie pour faire du benchmarking en matière de contre-guérilla, l'opération Muskeeter (Suez) côté anglais, et évidemment, l'Algérie. Une guerre dans laquelle il ne revendique rien, comme il l'exprime sobrement, en conclusion du livre.
Pour l'anecdote, pour le plaisir des yeux, on peut découvrir les ordres du plan Résurrection (opération mort-née pour susciter la mise sur pied d'un gouvernement de salut public sous la direction du général De Gaulle) annotés de sa main. Le 3e BPC qu'il commandait après avoir été adjoint de Trinquier (2), dès 1958, y tenait une place centrale, devant saisir, entre autres, l'assemblée nationale.
C'est donc un ancien SAS et para colo ayant bien bourlingué qui sera le premier chef de corps du 1er RPIMa. Le régiment inscrira cette légende vivante dans ses pierres, en baptisant de son nom un bâtiment d'instruction spécialisée.
(1) le général (C.R) Robert Moulié est mort en décembre 2006.
(2) comme lui instituteur et officier de réserve. Cependant, Pierre Moulié écrit que son père "n'adhère pas aux thèses de la guerre subversive et s'oppose résolument à des pratiques qu'il considère plus policières que militaires". En ce sens, il est très proche d'un autre para, le général de La Bollardière, qu'il connaît depuis la seconde guerre mondiale.