samedi 6 juin 2009

Les vétérans, pour mémoire

Peut-on se donner bonne conscience en faisant uniquement une grosse commémoration le 6 juin les années rondes ? Y aurait-il eu un tel débarquement… médiatique si Obama n’était pas venu, mais que la Reine était venue as usual ? Est-ce normal que l’écolier français moyen en sache plus sur la conquête des grottes par l’australopithèque que sur la libération de son propre pays ? Vaut-il mieux aller en classe de neige(1) qu’en classe de mémoire en Normandie, dans le Vercors, en Provence ? Ces « classes de mémoire » existent-elles, d’ailleurs ?

A vrai dire, je n’ai aucune réponse intelligente à livrer, en tout cas pas une seule réponse qui ne soit pas source immédiate d’une vive polémique. Je regrette juste qu’on ne pose pas ces questions.

Un élève retient mieux les choses qu’il voit en vrai que celles qu’il voit au tableau, ce n’est pas faire injure aux professeurs que de l’écrire. Je pense que les professeurs d’histoire ne devraient pas voir d’un mauvais œil des « classes de mémoire ».

En 2004, un vétéran était réduit à un état de clochardisation, on avait « perdu sa trace » comme on dit…On dit souvent qu’on mesure l’état d’évolution d’un pays à la façon dont il considère ses anciens…

Est-ce parce que je suis allé à l’école pendant plusieurs années en passant par la rue des déports résistants, ou la place des 50 otages ? Ou parce qu’un bus a emmené, en 1984, l’élève Tanguy à Omaha Beach (où on l’a d’ailleurs brièvement perdu…). Ou qu’un Hercules m’a fait remonter le temps, comme quelques journalistes, des vétérans, et des commandos, à Achnacarry (Ecosse), en 2004 ?

On a la vie qu’on a choisi ou pas, on a aussi le droit de ne pas refuser de l’enrichir. C'est même, à mon sens, l'objet moral de l'école : fabriquer des citoyens. La transmission du passé proche est peut-être plus primordiale que les périodes reculées .

Ces vétérans ont un vocabulaire anti-déprime, hélàs non remboursé par la sécurité sociale… Hier, René Rossey me racontait, par exemple, ce qui le motivait, à l’époque : « on était gonflés à bloc, parce qu’on n’avait rien, pas d’enfants, pas de biens, rien. Et quelques livres sterling par mois (rires). C’est ce qui fait que quand on a dû y retourner, en Hollande, on était gonflés comme en Normandie, même si on pouvait y rester, comme en Normandie. On a fait notre boulot, c’est tout ».

Qu’on le veuille ou pas, ces vétérans font encore partie de notre vie. Il n’est jamais trop tard pour les écouter. Ceux de Kieffer étaient 177 le 6 juin 1944, encore une trentaine en 2004, moitié moins hier.

Vos éventuelles réactions sur mon mail tanguy_press @ yahoo.fr (les espaces avant et après le @ sont à supprimer, c’est pour éviter d’être spamé…)

(1) Je règle ici un vieux compte avec les sapins que j’ai embrassés à plusieurs reprises sur des skis. Mais je crois aussi à la bonne idée que des enfants qui ne sont jamais allés à la neige puissent le faire si leurs parents n’en n’ont pas les moyens. Il faudrait pouvoir faire les deux.

Notre photo : les commandos de la 1st special service brigade, comprenant le 4 commando franco-britannique débarquent à Ouistreham, le 6 juin 1944. (crédit Imperial War Museum, crown copyright)