jeudi 13 novembre 2014

Vive la DS19 et la Caravelle (billet)

Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe fut condamné à pousser un caillou qui invariablement
retombait en bas de la pente, à la fin de chaque journée. Quoique les raisons et la situation différent, pour le ministre de la défense, attaqué en permanence sur son budget, et les militaires français, opérant un matériel dont l'âge des plus anciens dépasse l'irraisonnable, c'est un peu pareil.
La presque anecdotique ponction d'hier sur les crédits budgétaires rappelle toute la fragilité des promesses présidentielles en matière de sanctuarisation budget de défense. Le ministère de la Défense est condamné à perdre en pouvoir d'achat, parce qu'il a été utilisé, cette année, à la demande de l'exécutif (pas pour organiser des surprise parties). Sans compter que ce blog l'a aussi maintes fois expliqué, les surcoûts opex sont financés aussi par la Défense (à hauteur de 18% cette année, comme l'a rappelé le CEMA aux élus) et que cette enveloppe financée par l'interministérielle ne rembourse pas la casse, ni la sur-usure, pourtant facile à mesurer.
Face à cette énième attaque de l'année sur ses crédits, le ministère en a été réduit à sortir hier un communiqué de presse pour défendre son action en opex, et sa gestion, alors que la veille, Bercy évoquait, avec une rare indécence (un 11-novembre) la consommation des crédits liées aux opex.
Il faut mettre un orteil de temps en temps dans les endroits où les choses se passent (1) pour constater la très forte détérioration de l'outil de combat français. En déplacement chez ses forces spéciales, la pointe de diamant des armées, le CEMAT a appris la semaine dernière que ses pilote d'élite n'avaient plus les moyens suffisants pour se préparer au combat (phénomène qui touchait déjà certains de leurs homologues conventionnels). Les mêmes lui ont expliqué que les pièces manquaient, et qu'un Tigre pouvait rester 10 jours cloué au sol, au Mali, faute d'une pièce idoine (pas la plus chère pourtant). Tant que cette logique pernicieuse perdurera, il ne servira à rien d'envoyer encore plus de Tigre se faire clouer au sol au Mali.
Ce blog évoque régulièrement la différence flagrante entre les jolis power points parisiens évoquant la force de nos armées... et la réalité souvent cruelle du manque de moyens, y compris -et de plus en plus- pour les unités de première ligne engagées en opérations. Cette réalité est parfaitement connue : quand on leur donne la possibilité de s'exprimer, les militaires qui sont des professionnels ne manquent pas de le faire savoir.
Le désarmement structurel de la France s'alimente aussi avec ces reports perpétuels de crédits, décidés en bord de Seine. Et ce sont invariablement les petits programmes de cohérence qui trinquent. Ceux qui sont, pour la plupart, fabriqués en France, de surcroît.
Il faut néanmoins le rappeler, la France est une République, et un gouvernement n'a jamais eu besoin du 49-3 pour faire passer ces basses économies. C'est donc qu'ils conviennent à une majorité de représentants du peuple français (tirez vos conclusions sur la popularité prétendue des armées...). Pour l'instant, je n'ai pas entendu non plus de parlementaire s'opposer à ces ponctions indécentes. Mais une descente de parlementaires dans les bureaux de Bercy est peut-être en cours de planification courte...
Les lecteurs de ce blog connaissent l'âge vénérable des tankers (utilisés au Mali et en Irak), des Alouette III (utilisées pour former des pilotes, ou agir contre les narcos), des mitrailleuses ANF1, des VAB (deux fois l'âge des EVAT qu'ils transportent)... Alors c'est vrai, imaginons aujourd'hui un président de la République roulant dans un DS19 utilisée dans les années 60 -l'âge de ces aéronefs vénérables- pour transporter le président De Gaulle. Rappelons la vaillante Caravelle pour transporter le gouvernement.
Et puis offrons une vraie opportunité à Bercy de pouvoir voir de près comment se consomment les crédits dans des ports de pêche moins amènes que celui de Paris-Plage : Tessalit (Mali), Bassorah (Irak), Bossangoa (RCA)...


(1) il faut néanmoins constater que la politique actuelle de l'état-major des armées ne permet plus ce travail basique.