jeudi 9 janvier 2014

Avec les montagnards de Black Roc

Ce blog vous a déjà parlé de l'abnégation du SCH Jocelyn Truchet, sous-officier des troupes de montagne
blessé par un IED complexe en Kapisa le 16 mai 2010, à quelques jours de son retour en France. Comme annoncé ici il y a plusieurs mois, ce blessé qui a réintégré son régiment d'origine -le 13e BCA- vient de sortir un journal de marche personnel qui fait rentrer le lecteur dans la réalité des opérations et de la vie du soldat en Kapisa. Il couvre tout, des opérations les plus dangereuses aux travaux d'amélioration de la FOB de Tagab... (1)

Ce texte décrit une réalité souvent crue, et est bourré d'anecdotes et d'informations. Il est agrémenté de très nombreuses photos, très justement choisies, le tout rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, la France faisait la guerre en Afghanistan. De façon assez impressionniste, le livre illustre d'ailleurs les qualités morales et physiques nécessaires pour la mener en montagne.
Le titre est partiellement trompeur, puisque Jocelyn Truchet n'y parle que très peu de sa blessure et de sa reconstruction, qui n'occupent que 20% de l'ouvrage, au profit d'un récit vivant sur son groupe de combat, son SGTIA, son bataillon. Pas de ton larmoyant ou belliciste, l'écriture, lucide, est celle d'un jeune de 28 ans qui ne regrette rien et qui ne s'interdit pas de réfléchir sur sa mission.
En faisant aussi pénétrer les lecteurs dans la réalité afghane, complexe, ce livre n'élude rien, y compris les tirs involontaires sur des civils afghans -dont le tir d'un Milan su des enfants invisibles car sous des frondaisons-, ou un discours qui est longtemps resté très convenu sur ce qu'était cette guerre. Ce n'est donc pas un produit de com' convenu, emballé/pesé, et dont tous les termes ont été patiemment approuvés par ceux qu'ils concernent, mais un travail personnel, argumenté, qui ne s'interdit pas de lâcher, au détour d'une phrase, un avis définitif. Me semble-t-il, à chaque fois argumenté. Son ancien chef de corps et de bataillon, le colonel Vincent Pons n'a d'ailleurs pas hésité à préfacer le travail de son ancien chef de groupe.
C'est aussi très rare -j'avoue tomber dans le piège moi-même régulièrement-, ce livre n'est pas non plus une enfilade de termes jargonneux, mais peut-être lu par toute personne curieuse d'avoir un avis éclairé sur ce que fut ce mandat et, pour partie, les dernières années de combat en Afghanistan.
Pour moi, pour tout ce qu'il a réussi à concentrer, un des meilleurs livres consacrés à la réalité de l'engagement français en Afghanistan, avec le livre d'un autre sous-officier, Yohann Douady (qui parlait aussi de Côte d'Ivoire).
Espérons que ce travail sera récompensé, outre par un lectorat large, mais également, par le système lui-même, qui fourmille de prix littéraires : voilà un livre à primer.

Jocelyn Truchet, Blessé de guerre, 22 EUR, ISBN 978-2-7466-6634-4. Pour le commander, ce site.

(1) l'enlèvement de deux journalistes de France 3 au début du mandat de Black Rock avait amené à interdire la zone aux journalistes. Si bien que le travail de cette task force est resté, finalement, assez méconnu.