mardi 19 février 2013

Des questions dans la com Serval

Plus d'un mois après le début de l'opération Serval, les questions et parfois certains doutes commencent à poindre. Il n'y a pas que la longueur prévisible de l'opération, qui va obliger à remiser la promesse de commencer le retrait promis en mars. Mais sur la communication elle-même :
. Un courant montant dans l'armée demande plus de précautions sur les données de toutes sortes qui sont exportées de la communauté militaire vers l'extérieur. Prenant pour exemple l'affaire Merah, on peut en effet s'inquiéter de certaines restitutions des média, avec un luxe de détails importants autour de bilans de feu personnalisés par exemple. Sur au moins un cas, ce serait pourtant à la demande de son armée qu'un pilote a dû ainsi s'exposer (il faut coloniser les minutes d'antenne et les cm2 de papier, car le livre blanc est en train de s'écrire). Plusieurs documents diffusées par les canaux officiels laissent aussi passer des détails importants.
Pour ma part, les opérationnels que j'ai pu croiser insistent tous sur les précautions de sécurité opérationnelle qu'ils prennent, en plus des consignes professionnelles permanentes qui sont les leurs.
. Depuis l'Afghanistan, il est de tradition (mais aucune loi n'y fait obligation) de ne plus donner que le prénom et le grade d'un militaire interviewé. Néanmoins, les outils disponibles sur étagères permettent, sans trop de difficultés, de retrouver les noms réels des intéressés. Publication au journal officiel, mais aussi publications de com' (revues écrites, facebook, twitters et tutti quanti) du ministère livrent en permanence des milliers de noms, associés souvent à des unités et des visages. C'est le propre des terroristes que d'utiliser tous les moyens de sources ouvertes que l'on peut trouver. Plusieurs affaires de fatwas sur internet ou de menaces téléphoniques mises à jour, ces dernières années, sur des militaires, démontrent si besoin était que les précautions ne sont pas superfétatoires. Rappelons que les identités des personnels de plusieurs unités du ministère (COS notamment) sont protégées par décret, et que globalement, ce procédé a mis un peu d'ordre. Sans empêcher les oublis de floutage. Il n'est pas rare que les personnels des forces conventionnelles eux-mêmes se demandent pourquoi ce floutage n'est pas généralisé pour les personnels en opérations. Sur le propre Facebook de l'EMA, deux internautes (dont j'ai enlevé les noms, mais qui figuraient en clair...) soulevaient hier la question, avec une tentative d'explication d'un troisième :

  • Ne serait-il pas judicieux de masquer les visages de tous les personnels photographies? Certains, j'en suis sur, ne seraient pas ravis de se voir sur Facebook.

     Et après on nous répète de ne rien mettre sur les réseaux sociaux...

  •  On voit que la sortie du livre blanc s'approche!   
. Malgré moult rappels à l'ordre du ministère, Facebook reste le média n°1 d'information de ceux qui cherchent de l'information sur les armées. Incroyablement, une bonne partie des militaires sur Facebook livrent leur vrai métier à la vue de tous les internautes, avec en prime photos des enfants et ville de résidence... Toutes les dernières émissions sur l'armée ont utilisé ce recours, notamment pour diffuser des appels à témoins, mais aussi récupérer des anecdotes.Un jour, un terroriste fera peut-être de même.
. L'Etat-major des armées (EMA) a progressivement diminué le flot, déjà pas épais, d'images, depuis plus d'une semaine, et restreint encore le niveau de détails qu'il livre sur les opérations. D'aucuns y voient une précaution supplémentaire pour ne pas devenir un capteur indirect des djihadistes.
Mais, l'effet produit est évidemment désastreux car alors que le président avait fait, le 11 janvier, une promesse d'information aux Français, via les élus et la presse, il faut le constater, faute d'informations, Serval est déjà retombé dans les limbes médiatiques, remplacé à la une par les affaires de grue, de cheval, et de météo...