dimanche 10 janvier 2010

Otages en Kapisa : suite du débat

Plusieurs médias, dont Rue 89 (1), le Nouvel Observateur ou le Figaro, relatent les débats multiples générés par la capture de deux journalistes de France 3. Le spectre des avis y est large et il mérite lecture. J'ajouterai à celà, cependant, qu'il ne faut pas être hypocrite, en occultant certaines réalités. D'abord, le désintérêt croissant -sinon total- d'une partie des rédactions parisiennes pour l'Afghanistan, ce qui a donc contribué à alimenter une sorte de surrenchère sur ce qui doit "être ramené" de ce pays par ceux qui y vont. Un peu la logique qu'on avait à une époque dans certaines rédactions sur les banlieues, où vous étiez un moins que rien si vous reveniez pas sans l'interview d'un dealer ou d'un caïd. On n'en est pas loin, sur l'Afghanistan où le filtre "faits divers" laisse sur le côté de la piste pas mal de sujets, sur l'engagement militaire français, dans ses différentes composantes, mais aussi, la réalité de la vie des Afghans, en guerre depuis 31 ans.
Il est faux de laisser croire que la réalité de l'Afghanistan intéresse les rédactions. Ou le pays. Preuve en est que les embeds avec l'armée française débouchent parfois (pour ne pas dire souvent) sur une impasse. Faute d'images-chocs : la réalité crue n'intéresse plus.
Sur le fameux coût -et notamment ce fameux million quotidien, qui correspond, en fait, au surcoût de la totalité des 3.750 militaires français du théâtre- qui n'en n'est pas un. Ces moyens sont en place, mais par contre, il est vrai qu'une partie du dispositif est détourné de sa mission initiale. Comme c'est le cas, par exemple, lorsque des personnalités viennent en Afghanistan. Qui consomment, elle aussi, des potentiels hélicoptères. Tout les intéressés le disent, en 2009, il y aura eu trop de visites de ce type, et de "baladex", qu'il s'agisse de représentants, de ministres, d'élus, de... journalistes. Dont la seule présence trouble souvent le rythme des opérations (2).
Le recours à des "journalistes spécialisés" sera quant à lui de plus en plus difficile : on a décidé de casser le moule de ces dinosaures jugés trop caractériels, coûteux et pas assez polyvalents. Reproches évidemment infondés en tous points, mais la réalité est là.
Comme le rappelle aussi Rue 89, ces affaires de prises d'otages nous ramènent à nos antagonismes gaulois : n'oublions pas, simplement, que pour l'instant, ces deux journalistes sont dans l'impossibilité de se défendre contre les accusations qu'on porte contre eux, et qu'ils ont une famille. Souhaitons donc le retour de deux Français, et que ce retour ne coûtera pas la vie à d'autres Français, militaires. Trouvons-nous, donc pour l'instant, d'autres polémiques : avec les idées, une des vraies valeurs sûres de ce pays.

(1) http://eco.rue89.com/2010/01/09/reporters-de-guerre-pas-dordre-a-recevoir-de-lelysee-132995
(2) par exemple le 18 août 2008.