mardi 13 octobre 2009

Comment Dragon 2B a sauvé deux naufragés

Quatre heures après le crash du Cessna 210 avec six occupants à bord, la base hélicoptère de la sécurité civile de Bastia (1) est contactée vers 18h30 par le RCC de Lyon Mt Verdun. Il s'agit d'assurer le créneau entre 20 heures et 21h30, quand le Super Puma sera indisponible. Dragon 2B répond présent, mais avec des incertitudes sur la possiblité d'effectuer des treuillages, l'EC145 (monopilote) n'ayant pas les mêmes capacités que le SP, équipé, lui, d'un coupleur de vol stationnaire (CVS).
A 19h58, Dragon 2B est sur son carreau de carte, et recueille les informations livrées par l'ATL-2 de l'aéronavale. A bord de l'EC145, le pilote, Franck D., un ancien de l'Aéronavale justement (2), son mécanicien-treuilliste, et un plongeur-sauveteur du SDIS 2B. Les éléments de recherche incitent à aller dans le golfe de Porto puis le golfe de Girolata. Mais les occupants de Dragon 2B préfèrent d'abord lever le doute, et aller chercher autour du lieu du crash. A 1,5 nautique de là, ils vont trouver des lumières. "On a vu une lumière, puis une deuxième, et cette lumière avait des bras, et s'agitait : on a compris qu'on les avait trouvés", raconte Franck D.
A 20h08, le mécanicien s'affaire sur le treuil, pour récupérer le premier naufragé. Les deux premières tentatives sont stériles : le naufragé est balloté par les vagues. A chaque fois, il faut se repositionner, tenter de prendre des repères. La troisième occasion est la bonne. Le plongeur, accroché à l'extrêmité du câble de treuil, vient de glisser un harnais au premier rescapé, puis vérifie que le fil ne s'est pas enroulé dans ses propres membres, ni celui du naufragé. Un peu de mou. Ca y est, un signe au treuilliste qui sort tout le monde de l'eau. Le premier des cinq naufragés est sorti de l'eau. Tout cela en manuel, en jouant avec les deux phares du bord, pour aider plongeur et treuilliste, sans perdre le naufragé.
Dragon 2B glisse vers une deuxième lumière, visible à un demi-nautique (900 mètrs environ) de là. Dragon 2B prend le vent, le nez dans le flot d'air, et commence son treuillage. Mais rien n'y fait : cinq tentatives infructueuses, dans la même mer non coopérative. Un autre naufragé, à quelques encablures, qui risque d'aller se fracasser sur des rochers, à 400 mètres de là environ.
L'EC145 migre vers celui-ci. En deux tentatives de treuillage, le naufragé est extrait de la Méditerranée.
Reste le naufragé plotté quelques minutes plus tôt. Faut-il lui envoyer le dinghy du bord ? Et si les trois autres autres naufragés localisés à proximité ne pouvaient pas récupér la chaîne SAR de l'ATL-2 ? Dragon 2B prend la décision de larguer quatre batonnets electroluminescents qui rayonnent immédiatement, sous JVN, et qui rendront l'isolé immédiatement visible, sous JVN.
Entretemps, le pilote de l'EC145 a fait activer la relève (c'est le témoignage précédent) pour pouvoir déposer ses deux passagers sur la plage du golfe de Porto, muée en hôpital de campagne. A 20h56, avec l'arrivée du Super Puma de Solenzara, Dragon 2B pose et confie les deux rescapés au poste de secours avancé, prêt à repartir pour de nouveaux treuillages. C'est le Super Puma qui s'en chargera, finalement.
Que fait-on à l'issue de pareille soirée? "On fait la paperasse et on va se coucher" confie Franck D.

(1) la base déploie un EC145 et mobilise quatre équipages (un pilote, un mécanicien) par roulements. Rappelons qu'elle a été endeuillée par la perte d'un équipage, d'une patiente enceinte et d'un médecin du SAMU, le 26 avril.
(2) Pendant ses 20 ans, le pilote est passé sur Super Frelon, Lynx, Dauphin et Panther, accumulant aujourd'hui plus de 5.500 heures de vol.

Quelques posts consacrés aux Dragons, hélicoptéristes de la sécurité civile :
http://lemamouth.blogspot.com/2009/10/les-ailes-des-jsi-lec145-de-la-securite.html
http://lemamouth.blogspot.com/2009/04/dragon-2b-pilote-hors-normes.html
http://lemamouth.blogspot.com/2009/04/dragon-2b-avait-un-enregistreur-de-vol.html
http://lemamouth.blogspot.com/2009/04/dragon-2b-ne-repond-plus.html